Charité bien ordonnée?

natacha
September 11, 2020

« Prendre Soin

Nous sommes nombreu·x·ses à nous être engagé·e·s parfois à corps perdu dans des projets pour soutenir autrui pendant cette période délirante. A chacun·e son burn-out celles qui font des masques pour tous depuis leur cuisine, qui seront taxées de concurrentes déloyales lorsque les entreprises qui elles font du profit pourront à nouveau en vendre, ceux et celles qui nourriront les autres laissés sur le carreau par les décisions gouvernementales, ou pallieront comme ils et elles pourront à l’absence soudaine des institutions… Bref s’occuper généreusement de son prochain est immédiatement apparu comme une nécessité évidente simple et humaine, qui donne consistance à la vie. Aider, en dépit du système qui continue néanmoins d’oppresser, en dépit parfois de nous-mêmes, ou des objectifs de nombreux collectifs qui se réclament de tendance libertaire, autonome, communiste… Bref qui se mobilisent pour engager un changement systémique et savent que le pansement de la charité contribue aussi à rendre tolérable la misère, cette composante indissociable d’un système d’exploitation.
La charité du latin caritas qui signifie amour, nous vient de la tradition christique, il s’agit de reproduire l’amour de dieu, il semble que cette “reine des vertus” soit incontournable, en effet comment accepter de voir la misère à ses pieds sans rien y faire…
Lorsqu’un collectif qui cherche l’autonomie s’organise pour proposer une école de devoirs, cuisiner des repas ou distribuer des colis alimentaires, ielles le font plutôt dans une volonté de résistance, et d’organisation. Pourtant lorsque les personnes mobilisées sont globalement plutôt blanches, plutôt éduquées, etc… Il semble important de se poser la question de savoir de quelle autonomie il s’agit par qui et pour qui elle est organisée. L’aide alimentaire, si elle procure un soulagement immédiat et effectif aux personnes et permet parfois d’établir un lien, reste un système qui souvent pour des raisons de nécessité et d’urgence fonctionne sur des schémas de domination bien établis, qui ne permettent pas l’organisation et la lutte conjointe, il y a celleux qui donnent et celleux qui reçoivent. Il ne s’agit pas ici de nier le besoin urgent de nombreuses personnes, mais plutôt de rappeler certains principes.
Par exemple la solidarité comme condition positive, et l’écoute comme condition effective. La solidarité nous demande de nous mobiliser avec, de nous tenir informés des enjeux et de prendre des risques à la hauteur de nos capacités, l’écoute nous demande de prendre le temps, de partager d’apprendre de l’autre pour fonctionner ensemble, elle nécessite l’ouverture de nos espaces pour que les différents groupes puissent y organiser eux-mêmes leurs systèmes de solidarités, et la curiosité d’aller à la rencontre des autres dans leurs espaces. Partager des visions c’est d’abord une rencontre, un lien humain. Il ne s’agit pas de comptabiliser le nombre de repas distribués, ceux-ci ne seront jamais assez nombreux, mais bien de penser ensemble les problèmes, de s’asseoir un moment, de réfléchir notre vivre ensemble, et de faire société.

Le lien social de domination qu’est la charité n’est pas la société que nous souhaitons. Regardons nos collectifs militants pour comprendre comment fonctionner avec les personnes les plus fragiles afin que la solidarité et l’entraide se matérialisent au cœur de nos actions, faisons de la place, apprenons et partageons.

» Invitation à une présence solidaire