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Pleine lune.
J’écris à la fenêtre, je ne reconnais que la Grande Ourse, pourtant je sais qu’en sortant de la maison un océan de constellations s’ouvrirait sur moi. C’est tout nouveau.
Ça fait presque deux semaines qu’on a commencé l’installation à C. Heureusement que Sara et Jo ont pu nous aider avec le déménagement, on a désormais bougé la plupart des affaires, même s’il en reste encore chez des potes à Bologne. Je n’ai pas réussi à écrire plus tôt, pas de chambre à moi jusque-là… ce soir Li est parti·e en soirée, iel avait besoin de retrouver des repères familiers parmi tous ces bouleversements. Cela doit bien faire un mois que j’ai pas écrit une seule page ; entre temps le squat a été expulsé. On s’y attendait de toute façon. J’étais pas là à 6h30 mardi 5, on était chez Li.
Ça a été dur. On a passé la journée en choc. J’ai des souvenirs flou de colère et de haine qu’on partageait (heureusement ?) avec quelques dizaines de copaines, puis ça a débouché sur une petite manif bien vénère auprès de la mairie et de la station de police. C’était un moment de relâche super fort, on en avait toustes besoin. Le énième acte d’une administration « de gauche » qui ne fait que collectionner des expulsions de squats et bidonvilles, tout en construisant des résidences « étudiantes » à 700 Euro le mois. Merci gros. Y’en a vrrraiment marre là.
La ville nous est redevenue insupportable, et on s’est vite barré·e·s en montagne pour ne pas sombrer corps et âmes. On a fait les rituels que Clara nous a proposés. Je pleurais de rage, et en même temps je commençais de me sentir mieux : j’étais plus sûr·e de moi, de nous, et nos projets faisaient encore plus de sens maintenant qu’il fallait les repenser autrement. Pas la force ni l’envie pour l’instant de se battre dans la précarité urbaine, assez des récups de bouffe moitié pourrie : on a besoin de se nourrir correctement, de prendre soin. Be kind, because they’re not, chantait Edam Edam.
On est resté·e·s quelques jours près du site du rituel, en mode camping sauvage – à chanter, danser, rigoler, discuter, on a relu Sara Ahmed, ça fait toujours du bien quand ça va mal. Finalement on s’est retrouvé·e·s à trois : moi, Li et Isa, chez sa mère à C. Isa nous annonce qu’elle va retourner au Kurdistan, elle ne sait pas pour combien de temps. Je ne pourrais pas aborder la question comme ça avec ma famille moi, c’est sûr. Je n’ose même pas imaginer leur réaction, alors que Jo a juste pris Isa dans ses bras… un sourire aux lèvres, les yeux lucides. C’est à ce moment-là que je me suis tourné·e vers Li, et on a eu une de ces conversations silencieuses et immobiles qui valent plus que toute phrase composée de mots : les yeux sur Isa et Jo, puis l’un·e dans l’autre, les yeux lucides nous aussi, on se racontait le désir d’un tel amour à la fois filial, sororal, amical, qui passe par la chair. Le désir d’une famille de complices politiques et affectifs.
Le lendemain Isa est partie à Turin. Nous on a beaucoup discuté avec Jo de la vie sur la ferme avec Sara, la vieille femme qui est propriétaire du lieu et dont tout ce que je savais c’est qu’elle était herboriste. Jo disait que Sara est la seule personne qui n’a pas oublié les châtaignes du village, et qui en fait une pâte délicieuse (à laquelle je suis devenu·e accro depuis) ! Elles se sont rencontrées sur la place du marché du bled, au milieu des courges de la saison. Elles ont décidé de se faire du bien l’une l’autre, Jo en ramenant des nouvelles énergies à la maison, Sara en donnant un cadre sûr et tranquille à l’esprit toujours inquiet de la plus jeune.
Ça m’a un peu rappelé ma relation avec Li. Quoique c’est toujours plus compliqué quand les corps se rencontrent dans l’intime, même en dehors d’un cadre exclusif.
Jo n’a pas manqué de nous partager leurs problèmes aussi, la sensation d’isolement en premier. Jo avait quitté Moscou, sa ville de naissance, en coupant tout pont avec une grosse partie de sa famille biologique. Elle a rencontré le père d’Isa sur une ferme autogérée en F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒, mais ça ne s’est pas bien terminé. Elle s’est encore retrouvée seule (presque), heureusement qu’Isa était là.
Quand Jo nous a demandé qu’est-ce que c’est que la famille d’après nous, je n’ai pas su quoi dire. J’ai l’impression d’en avoir plusieurEs. Li a dit espérer que celle où on s’est le plus investi·e au cours des dernières années va survivre à l’expulsion du lieu, en se reconstruisant ailleurs, peut-être en intégrant des distances physiques entre nos corps. Jo était très intriguée par nos projets d’auto-gynécologie et de biohacklab féministes. J’ai senti l’idée germer dans mon esprit au fur et à mesure qu’on parlait avec elle… Pourquoi pas ici ?!
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Je ne comprends pas trop mais bon. Vous savez ce que vous faites j’imagine, hein ? Moi je peux assurer la partie herboristerie, mais je vous le dis encore une fois : c’est du boulot ! Lire les bouquins, ça ne suffit pas. Je vais vous mettre au boulot, héhé.
Ŀ C’est bon Sara, j’y ai passé cinq ans à la fac, je sais comment ça marche la chimie.
Mais c’est pas partout pareil ma chérie, tu verras, surtout avec les plantes sauvages d’ici ! T’as jamais fait de la distillation de millepertuis de montagne. Alors c’est pas pour tout de suite avec le temps qu’il fait là… Vous allez voir ça prend du temps, et surtout beaucoup d’eau. C’est ça qui m’inquiète le plus en vrai.
μ C’est quoi nos priorités en termes d’huiles essentielles ? On pourra en faire combien avec les réserves d’eau qu’on a de prévu ?
Ça dépend des plantes, encore une fois.
Ŀ Même s’il n’y a pas assez d’eau pour faire toutes les huiles essentielles qu’on aurait aimé il y a toujours l’huile de tournesol de la nouvelle voisine pour faire des oléolites.
μ Mais c’est pas les mêmes propriétés thérapeutiques, si ?
Ben oui tu as raison, effectivement ce n’est pas pareil selon la méthode d’extraction.
ჟ Excusez-moi, j’aimerais revenir sur la question du labo de transfo : qu’est-ce qu’on en fait au final ? On le garde comme ça ?
Ŀ Ben on se disait avec Mu qu’est c’est un peu petit… En fait on pensait plutôt partager le hangar en deux parties : hacklab et biolab . Et vous, vous en pensez quoi ?
Cela me parait bien. Mon labo de transformation je l’aime bien comme ça moi.
μ Mais nous, c’est pas juste un labo de biochimie qu’on veut : c’est un wetlab qu’on va monter, un lavaboratoire ! un wėtchlab de sorcellerie contemporaine !
Vous me perdez à nouveau là. Je ne comprends pas vos calembours perchés, je vous laisse vous débrouiller avec tout ça héhé. Faites ce que vous voulez de ce hangar, mais il faudra le vider et le retaper d’abord. Moi je n’ai pas le temps dans les semaines qui viennent, le chantier marrons approche. Et j’aurai besoin de quelques coups de main.
Ŀ Les copaines de Bolo sont chaudes de venir filer un coup de main, j’ai eu Clara au téléphone ce matin.
C’est bien. Elle habite où maintenant Clara ?
Ŀ Elle est chez des potes à la coloc là-haut, la Noix de Cagoule.
ჟ Hahaha j’adore ce nom.
μ Jo, qu’est-ce que t’en penses de cette idée de partager le hangar, toi ?
ჟ Ben j’avoue que j’aimais bien l’idée d’avoir un grand espace pour bricoler. On pourrait envisager la construction d’une cabane aussi, histoire d’avoir un espace de stockage dédié, sinon on va finir par se faire coloniser par les pièces de récup – comme dans tous les hacklabs que j’ai connus haha.
Ŀ Moi j’suis chaud·e de construire ! On se fait une mission pallet un de ces quatre ?
ჟ Vous pouvez prendre la voiture collective, moi je pars demain avec la mienne.
Ŀ Ah bon ! Tu vas où ?
ჟ Je vais voir une copine à Vintimille et je sais pas encore quand je rentre.
Il ne s’agit pas de Loûz, par hasard ?
ჟ Oui, c’est Loûz. Elle est rentrée il y a pas longtemps.
Oh ! Pourquoi tu ne me l’as pas dit plus tôt ?
ჟ Elle est encore plus discrète que d’habitude là, presque fuyante je dirais… ça mijote aux frontières sans doute, j’ai envie de comprendre ce qui se passe.
Bien entendu. Tu lui apporteras un bouquet de romarin d’ici s’il te plaît.
μ Bon, on voit pas de qui vous parlez là. Est-ce qu’on peut revenir sur le chantier ? Je fatigue un peu de ma journée de défrichage et j’aimerais me détendre enfin.
Que madame prenne patience un instant !
μ J’suis la dame à personne moi, merde.
Ŀ Mu…
ჟ Un reproche bienveillant dans le regard.
Excuse-moi, Mu. C’est pas facile.
μ Pour les personnes trans non plus, t’sais.
Je vais y arriver.
ჟ On va y arriver ensemble. Sourire.
Ŀ Serre la main de Mu. Bon, je propose de commencer par l’apéro déjà. On poursuit la tchatche devant un verre de prunellier ? Et on essaie de terminer avant que le soleil se couche…
ჟ De terminer la bouteille tu dis ? Allez !
3 @
XY/XX/XXY, 18:09
objet : Qui a peur du biohacking transféministe ?
-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-
coucou les hibous
ça roule ? les fafs vous font pas trop chier ??
on pense fort à vous toustes depuis les apennins. j’espère qu’on pourra bientôt envoyer une petite délégation à Paris pour une visite irl de l’anti-presse.
entre temps… la verdure ici est magnifique : on se lève en saluant le calendula, la mauve et la grindelia et on attend avec impatience l’heure du fenouil sauvage. heureusement que la chaleur est encore supportable ici, dans la plaine c’est bien pire.
je mets en pièce jointe le brouillon de l’article dont on avait parlé. ça a pris un peu plus longtemps que prévu… déso ! au final on s’est retrouvé-es à écrire une sorte de manifeste haha
dès qu’on aura monté notre servidora casera on le partagera en ligne sur un site auto-hébérgé
la question des infrastructures féministes numériques est toujours bien d’actualité, notamment en ce qui concerne les serveurs (par quoi pourrait-on remplacer ce mot de bourge ?!). on aimerait développer un projet collectif avec d’autres lieux et d’autres camarades aussi, ça va nous prendre du temps, et puis il va falloir prendre soin non seulement des machines mais de nos relations surtout ! c’est là le vrai travail, vous savez bien. au pire, on balancera le manifeste sur un DNS des sorcières en attendant de monter notre structure à nous.
et n’hésitez pas à me dire si vous avez envie de venir vous balader en Italie ! ça nous ferait très plaisir de vous revoir et de vous accueillir dans notre nouvelle maison.
merci de votre soutien et de nous aider à diffuser le projet <3
la lucha sigue partout !!
hackabisous
LenaLab
4 爪
du manifeste Gynepunk, merci @TIF pour la traduction
Mentionner le mot « avortement » fait de toi une sorcière.
Le contrôle absolu de la technique du diagnostic engendre une hiérarchisation classiste des patient·e·s, basée sur l’accès à la connaissance, et une dépendance envers le DOC-TEUR, seul apte à lire et traduire le langage du laboratoire, ce qui fait de lui un oracle clinique détenteur de la vérité médicale, unique et sacrée.
Mais nous n’avons pas besoin de machines hi-tech pour réaliser certains tests. Ni de doctorats en microbiologie pour élaborer des diagnostics précis et autonomes. La science est : expérimentation, partage de la connaissance, créativité, curiosité. Les technologies à l’œuvre modèlent les sciences qui en usent, et les laboratoires qui traficotent avec notre santé participent au pouvoir des lobbies pharmaceutiques, capitalistes et militaires.
5
Mon cher Pino
merci de m’avoir partagé ta clé publique PGP.
Je m’apprête à envoyer le premier courriel chiffré de ma vie, à mon jeune âge !
Comme quoi, il n’est vraiment jamais trop tard
Les hackeureuses – j’aime bien les appeler comme ça – ont commencé à animer des ateliers numériques à la ferme : on découvre tellement de choses, les logiciels libres pour l’écriture et les calculs, la confidentialité des courriels… C’est intense je t’avoue, parfois. Mais ça résonne vachement avec notre vision du monde, on s’est rencontrées là-dessus toi et moi, tu le sais bien. Bien avant toutes ces applications pour smartphones pourris, pourtant si nécessaires aujourd’hui. (Ou pas ?)
Nos rêves d’autonomie… où sont-ils passés ?
Les jeunes se moquent de moi quand j’emploie ce mot-là. On me reproche, et à juste titre, que cela n’existe pas. “On est touz interdépendanz”, voilà comment l’écrirait Mu. (Vivement que tu rentres et que tu puisses les rencontrer ces petiz jeunes !)
Et nique les vieux totos mascus hehehe, ma langue aussi a rajeuni depuis leur installation
Tu verras comment ça a changé par ici, en si peu de temps. Enfin, ça fait déjà 2 ans que t’es parti. Je ne sais même plus dans quelle région tu es là…
Tu pourrais envoyer des photos en réponse à ce courriel ?
N’oublie pas de faire un bisou de ma part à Phainam.
Les hackeureuses aimeraient aussi que tu prennes contact avec un fab-lab à Bangalore. Cela veut dire “lieu de fabrication”, appelé aussi makerspace en anglais – je t’avoue en passant que je me perds dans la foule de tous ces noms compliqués et je ne saisis pas toujours les différences entre ceux-ci et ceux-là. En tout cas, il paraît qu’il se passe des choses merveilleuses au niveau du recyclage des composantEs et des matières premières de circuitEs éléctroniques.
On t’envoie en pièce jointe un petit message à leur faire parvenir si tu peux, Li me dit que ses e-mails semblent tomber dans le vide.
Comme quoi on a toujours besoin et des machines et des humains
J’ai appris encore un nouveau mot que j’aimerais te partager : empuissancement, voilà où j’en suis en ce moment. On a inventé ce néologisme en français pour se soustraire aux connotations ultra-libérales de “empowerment”. Ici, il s’agit au contraire d’un processus d’émancipation (inter)personnel, politique, collectif, il me semble que ça correspond bien à ce qu’on fait avec les ateliers de “zérounisation”. Et je suis très fascinée par leurs jeux de langue de djeunes finalement. C’est super créatif comment IELS jouent avec les genres aussi ! C’est le genre neutre, tu sais ?
Et je ne te raconte pas la suite qui est prévu pour les ateliers (de toute façon, je n’y comprends rien pour l’instant) : Linux, clés TAILS, serveurs autogérés, réseau wifi communautaire, thermocycleurs, chromatographie gazeuse, distillation microondes… Je me ramène à ma première année de formation en herboristerie – je redeviens sorcière, mais en robe de geek !
On verra bien jusqu’où ça ira
C’est des grosses mises à jour qu’on fait là, mon Pino !
Les djeunes sont là pour ça, mais ça manque bien de patience parfois. Ce n’est pas toujours facile, je ne te le cache pas, mais je n’ai pas envie de rentre dans les détails ici. Aujourd’hui, je choisis de me concentrer sur ce qui fait sens: un bio-hack-lab chez soi. On tient le coup et on avance.
Comme quoi la vie nous surprend même à 67 bien sonnés
Prends soin de toi-même.
Tendrement
Sara
𝄢 𝄑 𝄏𝄩 𝄏
Who are the cyborgs
where do they come from?
Maybe your great great grandmother was one.
Witches are world-wide-webbing today
There is a cyberwitch in every feminist today – hé !
6 Ŀμჟ
μ Pas vrai.
Ŀ Si si je l’ai sous les yeux là.
μ Fais voir –
ჟ Keski s’passe?
Ŀ L’article est sorti.
ჟ Ah ! Je croyais que c’était reporté au prochain trimestre.
μ Non, ça c’est la revue des montagnes. Celui qu’on vient de leur envoyer, il est prévu pour le mois de mars normalement, et ça devrait paraître dans l’édition française aussi.
ჟ Qu’est-ce qui vient de sortir du coup ?
Ŀ Hé ben là il y a un article écrit par un espèce de moldu qui vient de sortir dans le journal de province.
Pas besoin d’être méprisante la petite sorcière, hein.
μ Mais il a rien compris le mec – il écrit qu’on fait de la « science citoyenne » ça m’énerve !
Ŀ C’est pas du tout ce que je lui avais dit au téléphone ! il sort ça d’où ?
μ Merci j’en sais rien. Fait chier, il nous fait passer pour une asso d’éduc pop quoi.
Oh la la J’avais complètement zappé cette histoire d’interview téléphonique… c’est qui qui l’a écrit déjà ?? On le connaît pas ?
ჟ Je ne vois pas où est le problème enfin si on se fait connaître. C’est bien pour ça qu’on est là.
μ Je sais pas je ne veux pas que ça ramène n’importe qui moi. Si la branche locale de Greenpeace vient frapper à notre porte je me casse par l’arrière, je vous préviens.
ჟ T’exagères quand même ! Tu veux faire ton Candide à la montagne et puis basta, c’est donc ça ?
μ J’aime pas les cons, c’est tout.
Ŀ Le problème, c’est que le gars n’a pas trop cherché à comprendre ce que je lui racontais. Si la raison pourquoi j’avais accepté de lui parler c’était de rendre le projet plus accessible à l’extérieur, ben c’est complètement raté là.
μ De plus qu’il aurait pu nous prévenir que ça allait enfin sortir, ça aurait été l’occaz de partager notre petit manifeste ! On l’avait pas encore quand je lui ai parlé.
Ŀ Je lui enverrais bien Valerie Solanas là…
ჟ [Mais je ne comprends toujours pas en quoi il se trompe irrémédiablement: ce n’est pas de la science, ce qu’on fait là ? Les analyses chimiques des préparations végétales, les spermogrammes pour la contraception testiculaire, les recherches hormonales et phyto-hormonales, les pilules contraceptives et abortives…
Ŀ Oui, c’est une science militante, radicale quoi.
μ La science citoyenne – déjà on a un problème quand on est sans papiers ? – pour moi c’est les tentatives des élites de faire semblant que la recherche aujourd’hui soit toujours une affaire d’utilité publique, si jamais c’était le cas.
Ŀ C’est la cousine du développement durable du coup.
μ De toute façon, la plupart des articles de recherche sont publiés dans des revues spécialisées, propriétaires et inaccessibles au grand public. Mais même à la fac, le plus simple c’est de passer par Sci-Hub !
Sci-Hub?
μ Heureusement qu’il y a des pirates pour ouvrir leurs serrures numériques. On retrouve des millions d’articles scientifiques là-dedans, n’importe qui peut accéder au site et même contribuer à son accessibilité et à la sauvegarde des données.
Ah ouais ! T’es en train de me dire qu’on peut télécharger tout ça chez nous, ici là ??
μ Ben oui carrément. C’est pour ça qu’on est là aussi. Il faut ouvrir la recherche, nous la rendre à nous toustes qui sommes concerné-es. Mon projet de openPMA, ça passait pas dans les labo universitaires, du coup il me faudra faire autrement.
Ŀ Mu.
μ Si le but c’est que ça soit effectivement accessible au plus grand monde possible, ça peut pas passer par la police médicale et les institutions néolibérales.
[L] On va pas aborder ce sujet-là s’il te plaît.
μ Arrête de délibérer sur ce qu’on a le droit de faire ici !
Ŀ Je dis juste que ce n’est pas le moment…
μ Ta gueule !
Ŀ Vas-y fous le camp.
ჟ Allez.
Ŀ Merde. Je vais pleurer comme une merde.
ჟ Oh, viens là.
T’es pas tout·e seul·e.
7 Ŀ
Putain on vit vraiment
dans une triste époque
aujourd’hui je suis plutôt mélancolique. j’écoute du vieux son : Doria, Kae Tempest, Ketekalles, Madame… j’essaie de me rattraper mais je suis coincé-e dans les souvenirs de mes premières expériences d’auto-gynécologie, les groupes de soin, l’auto-formation avec les copaines de la clinique populaire, les distillations genuine clandestine et toussa. ça s’est passé si vite.
on s’est disputæs au sujet de la PMA. Mu voudrait qu’on essaie. Il suffit de s’inspirer de ce qu’on fait aux animaux non-humains (sans même qu’il soit question de leur consentement, évidemment), on n’est pas les premiaires à y avoir pensé. c’était censé être son sujet de thèse en fait, la thèse doctorale de ses rêves. sauf que personne n’en voulait dans les labos de fac, on lui proposait d’aller bosser directement dans des cliniques spécialisées blanches et respectables aux Ů̸̲̉S̶̝͌̓Ȃ̵̢̡̔. l’eugénisme ne meure-t-il donc jamais ??
mais en fait je suis pas convaincul moi.
enfin oui, il faut décoloniser la technique, certes.
il faut se réapproprier des moyens de reproduction… ça me saoule qu’on se retrouve à toujours en demander à ce gros machin abstrait qu’est l’état, avec ses tentacules-pièges de « services » sanitaires et sociaux. je ne serai pas une bon ne trans, ni une bonne parente. je ne serai pas votre patient ·e ni patient·e avec vous.
mais qu’est-ce que ce désir égoïste de se reproduire biologiquement, de propager “ses” gènes, “ses” petites cellules, alors que je fais aucune confiance à l’espèce humaine et puis de toute façon on est rien sans nos micro-copaines les bactéries les virus, sans parler des champignons !
voilà je souhaite plutôt cultiver des champignons, des amitiés médiées par des boîtes de Petri, par le travail de mes mains. notre potager contraceptif et avortif, c’est déjà du boulot. grâce aux échanges avec les camarades d’Argentine, le plan de fabrication de pillules ICI CHEZ NOUS commence à se dessiner ! Iels sont vraiEment forz, ça m’impressionne.
Mais merde quoi, je ne suis personne pour taxer son désir d’égoïste ! c’est juste qu’il y a un gros décalage avec le mien. Je ne sais pas quoi faire.
Mon rêve c’était d’en finir avec la famille
de construire des non-familles
queers
antinucléaires
intergénérationnelles
et bien d’autres…
d’arrêter de chercher LA vérité dans la biologie !
8 爪
Nous sommes les petiz enfants des sorcières que vous n’avez pas pu brûler.
Nous sommes hackeureuses herboristes putes sage-femmes handi
paysannes gouines (cyclo)mécaniciennes pédés bricoleureuses trans non-binaires
tricoteuses casseureuses écopunk bâtisseuses de mondes vivables ici et maintenant.
Sur nos têtes
le ciel étoilé,
dans nos coeurs
le soin radical.
Nous sommes transféministes, post-spécistes, décoloniales.
Mais comment donner corps à ces beaux mots compliqués ?
Ils ne parlent pas à notre place, nous les agissons tous les jours, toujours dans la recherche et dans l’erreur.
Notre mission dans la vie n’est pas simplement de survivre,
mais de prospérer
ensemble.
Nous sommes artistes scientifiques pratiquant l’écologie des gestes et des savoirs. Nous avortons avec l’aide de la flore locale et de la chimie synthétique; nous prévenons les grossesses avec la carotte sauvage et nous réalisons des spermogrammes pour vérifier l’efficacité de nos jockstraps – bisous bye soutien-gorge, hello soutien-couilles.
Croissance, dites-vous ?
Notre corps, nous-mêmes, dit-on.
On se reproduira seulement si on le souhaite,
en tous genres dégénérés,
sans autorisation,
que de leurs gamètes toustes puissent disposer…
𝄢 𝄑 𝄏𝄩 𝄏
à bas le patriarcat
la transphobie d’état
la famille bourgeoise-hétéro
la lesbophobie le racisme
nous ne voulons pas de ça.