SPÉCULACTIVISMES - Sortir du réalisme capitaliste par la fiction spéculative

*J’ai enfin fini mon texte, surement encore d’innombrable fautes d’ortho et de grammaire (désolé jsuis nul pour ça). Si vous en voyez n’hésitez pas à corriger (le post est en wiki), mais ne vous forcez pas ^^, c’est surtout des retours théoriques que je cherche. *

SPÉCULACTIVISMES

Sortir du réalisme capitaliste par la fiction spéculative

« le système s’effondre tout autour de nous précisément au moment où de nombreuses personnes ont perdu la capacité à imaginer qu’autre chose puisse exister1 ».

Le capitalisme s’est infiltré dans nos inconscients, il a colonisé nos imaginaires. Nous l’avons érigé comme l’aboutissement inévitable de l’humanité, au point qu’il nous est devenu impossible de penser des alternatives. C’est cette impasse cognitive généralisée, où « il est plus facile d’imaginer la fin du monde que la fin du capitalisme », que le philosophe Mark Fisher appelle le « réalisme capitaliste ». Pour constater cette panne de l’imaginaire il suffit de regarder la majorité des films de sciences-fictions, ces dystopies techno-capitalistes qui ont souvent pour seule issue l’apocalypse. Nous vivons une réalité où la prophétie de Margaret Thatcher « Il n’y a pas d’alternative » s’est concrétisée. Le capitalisme est devenu la seule réalité possible, une réalité extérieure indépendante de nos esprits, notre réalité. Pourtant il a tout d’une fiction. Il est fondé sur de grandes fabulations toxiques, tel que les grands mythes de l’Homo œconomicus et de la rationalité économique, objectivant le comportement humain comme étant maximisateur, calculateur et individualiste ; la croyance en une croissance infinie dans un monde fini, avec son immonde oxymore de « développement durable » ; ou la légende prométhéenne du Progrès technocentré et salvateur. De plus, depuis les années 1970 et l’exacerbation de la financiarisation, nous sommes passés d’un capitalisme d’accumulation à un capitalisme spéculatif. Spéculer en économie c’est vouloir tirer du profit par l’anticipation de l’évolution des marchés économiques. Mais ce sont souvent les placements découlant de ces anticipations qui finissent par faire évoluer les marchés. La spéculation transformatrice, agissante sur nos réalités, n’est pas du seul ressort de la finance. De plus en plus de personnes découvrent une force émancipatrice et créatrice dans la spéculation, et se mettent à créer des fictions activistes. En activant des possibles, nos spéculations peuvent être des outils de lutte pour sortir du réalisme capitaliste, voir du capitalisme. Mais les forces agissantes de ce dernier ont une forte tendance à tout détourner et récupérer à leurs avantages. Ainsi « l’Université de la Pluralité » créé des récits transformateurs aux service des assureurs Axa ou la Maif, Usbek & Rica co-organise des concours de science-fiction pro-nucléaire au côté d’Andra, l’Armé française embauche des auteur•ices d’anticipation pour se préparer au futur2, et une ribambelle de projet de design fiction alimente le business as usual.3 Il est cruciale ne pas laisser-faire cet accaparement, et de conscientiser et organiser nos pratiques d’activismes spéculatifs. Les lignes qui suivent chercheront à proposer des conditions à établir pour qu’une fiction nous permette de sortir du réalisme capitaliste.

La profusion des récits de dystopie capitaliste, qu’ils soient pro- ou anticapitalistes, participent directement à ce marasme de l’imaginaire, en nous imposant le techno-capitalisme comme une fatalité. Lorsque ces dystopies spéculent des récits de soin4 ou de lutte5 face au capitalisme et ses ravages, elles sont stratégiquement inspirantes, mais elles participent au réalisme capitaliste. Quant aux utopies non-capitalistes, elles doivent être réalisables et proches de notre existant. Bien qu’exaltant et structurant pour le spéculactivisme anticapitaliste, le roman d’Ursula K. Le Guin Les dépossédées6 se déroule dans un autre système planétaire que le nôtre. Un autre monde non-capitaliste est possible, mais ça ne sera pas le notre ! Une utopie irréalisable, trop éloigné de nos réalités, de notre présent ou de notre planète terre, peut avoir des vertus critiques, mais elle maintient le statu quo du réalisme capitaliste*.* La polysémie du mot « utopie » sème le trouble, car si elle « est une représentation d’une société idéale, une utopie peut désigner également une réalité difficilement admissible : en ce sens, qualifier quelque chose d’utopique consiste à le considérer comme irrationnel7 ». À nous d’inventer les mots et les nuances pour lever l’ambivalence de cette notion et donner de la force à nos récits 8 Inversement à cette proposition d’utopie réalisable, Alice Carabédian dans Utopie radicale - Par-delà l’imaginaire des cabanes et des ruines9, nous conseil d’osez des utopies impossibles justement car elles sont impossibles. Pour elle, l’utopie est un processus critique avant d’être un projet créateur, c’est un voyage avant d’être un rivage. Mais le réalisme capitaliste est si puissant, qu’un récit post-capitaliste est déjà du ressort de l’impossible pour nos imaginaires entravés. Opposons les utopies radicales aux réformistes plutôt qu’aux réalisables ! Les utopies sont des spéculations d’une société souhaitée, mais elle ne doivent pas tendre vers la société parfaite. Il est nécessaire de nuancer les idéalisations, car une société sans désaccord est forcément un régime totalitaire. Elles doivent donc expliciter leurs limites, leurs contradictions, et leurs dérives. Si les dystopies sont enfermantes, les utopies post-capitalistes sont bien infécondes si elles ne nous confrontent pas aux durs problèmes pouvant surgir lors de la chute de notre système économique. Il nous faut des utopies ambiguës, pour reprendre le terme utilisé par Ursula K. Le Guin10. Si la violence et le conflit ne doivent pas être nier, il ne faut non plus leur donner une place centrale. Pour inventer des possibles post-capitalistes il faut privilégier ce qu’Ursula K. Le Guin appelle la « fiction-panier »11, et non des récits héroïques et patriarcaux12, dominants dans nos civilisations capitalistes. Ces utopies ambiguës nous confronte à la dureté de la vie sans le relatif confort que nous apporte le capitalisme. Pour cette confrontation, les utopies doivent être pratique et adaptées aux actions concrètes. Ces anticipations ambiguës et pragmatiques nécessitent une réflexion poussée sur les technologies, pour éviter les dérives du mythe du progrès technocentré salvateur, ainsi que celle d’une décroissance primitiviste trop radicale. Pour facilement se projeter dans ces utopies proche de l’existant, il est possible de spéculer des présents autres via l’uchronie, tel que les univers post-Haraka spéculés par les ateliers de l’Antémonde13. Une fiction activiste se déroulant dans le présent, tel que Il faudra faire avec nous de Lë Agary, entre fiction et manuel de sabotage*,* ne nous permet pas d’imaginer d’autres possibles mais la force qui en dégage pour les luttes est indéniable*.* Quant au retro-futurisme, il permet de penser l’existant du présent avec un regard fictionnel du futur. Comme les enquêtes sur les anomalies sorcières14 du laboratoire sauvage Désorceler la Finance, qui sont des archéologies de notre présent, narrant des recherches sur l’effondrement du capitalisme tardif. Pour spéculer sur les raisons de la fin du capitalisme, proposer des causes exogènes sur lesquelles nous n’avons pas prise, comme des extra-terrestres ou un blob, ne nous permet ni de sortir du réalisme capitaliste, ni d’alimenter des stratégies de lutte.

En plus du présent et du futur, le passé est évidemment un temps a explorer pour des récits transformateurs. L’Histoire, est un récit manipulable et manipulé, une fiction écrit par les oppresseurs. Il est possible, à l’instar de Au commencement était… Une nouvelle histoire de l’humanité15, de David Graber et David Wengrow, de se baser sur l’archéologie et l’anthropologie pour réécrire l’Histoire et délégitimer le capitalisme.

De nombreux•ses amateur•ices de science-fiction se réapproprient des récits connus en écrivant des « fanfiction ». En s’inscrivant dans cette pratique populaire, les nouveaux récits peuvent prendre des dimensions collectives, permettant de disséminer le pouvoir germinatif du récit et d’étendre la lutte contre le réalisme capitaliste. Les activistes de la fiction spéculative se doivent de tout mettre en œuvre pour accompagner cette réappropriation collective des récits qu’iels proposent. Après la parution de « Bâtir aussi », les personnes des ateliers de l’Antémonde ont animées de nombreux labo-fiction, pur créer collectivement des récits pragmatiques inspirés de l’univers post-Haraka, sous un format d’éducation populaire et d’écriture orale. En ce qui concerne la réappropriation collective des sym-fictions, Donna Haraway nous a promis que « les projets « Faites des parents, pas des enfants ! » et « Les Enfants du Compost » disposeront bientôt d’un monde collectif en ligne où l’on pourra jouer et poster des histoires »16, mais pour le moment cette dimension collaborative s’est restreint au cercle d’érudit bourgeois fréquentant le problématique17 colloque de Cerisy. La toute aussi problématique18 Université de la Pluralité dispose quant à elle d’une plateforme internet, nommée Narratopias, comprenant une bibliothèque collaborative, un répertoire de pratique de spéculation, ainsi qu’un jeu de création de récit. D’innombrable possibilité d’atelier, de plateforme internet, de jeu de création, et d’autres pratiques d’éducation populaire, sont à inventer mais en se focalisant sur la recherche d’horizontalité de ces dispositifs. Car si nous sommes à ce point embourbé•es dans la panne des imaginaires du réalisme capitaliste, c’est que nos écologies de l’imagination sont devenues totalement hiérarchique. Une petite élite, au service des géants des industries créatives, produit des récits pour une masse de consommateur, via des médiums audiovisuels où les possibilités d’interprétation du récit sont restreint à l’extrême*19. Pour se réapproprier nos imaginaires, nous devons renverser ce rapport hiérarchique, et nous mettre toustes à explorer de nouveaux mondes. Ce qui ne sous-entend pas de devenir toustes auteurices, compteureuses, ou cinéastes. Car créer des nouveaux récit peut se faire à travers d’innombrable médiums, mais aussi seul dans sa tête, ou lors d’une discussions totalement informelle. Il y a d’incroyable champs des possibles pour la création de processus collectifs de création spéculative, ne nous limitons pas à des pratiques de réappropriation de récits existants ! Nous pouvons faire en sorte que ces pratiques ne soient pas dans une écologie de l’imagination hiérarchique, avec une élite d’activiste spéculatif créant des scénarios à réinterpréter. Créons des processus de tente sombre20 qui, comme l’art paléolithique, ne serait « pas conçu pour encadrer et guider l’imagination, mais plutôt pour offrir des supports suggestifs à l’exploration imaginative21 ». Si depuis le début du « stockage symbolique externe 22» du paléolithique, la majorité de l’humanité a pris l’habitude de fixer son imaginaire grâce à l’art, une minorité en lutte se projettent encore dans des mondes virtuels grâce à des techniques chamaniques. Iels explorent l’invisible par des visions et des rêves. Le militant pour les droit des peuples autochtones Ailton Krenak insiste sur l’importance des rêves. Selon lui, pour « retarder la fin du monde », nous devrions considérer le rêve « comme une institution, c’est-à-dire comme un exercice discipliné, qui concerne le collectifs, pour rechercher les orientations que nous devons donner à nos choix quotidiens23 ». Il nous faudra effectivement beaucoup de discipline pour réussir à sortir du réalisme capitaliste qui a gangréné notre inconscient. Rêver de se retrouver nu•e dans un supermarché, ou de se faire réprimander par son patron, ne nous aidera jamais à comprendre la subjectivité des non-humain•es misent en péril par le capitalocène. Dans nos sociétés l’'*imagination et le rêve s’opposent au réel, mais cette dichotomie est loin d’être universelle. Pour certain•es, comme Ailton Krenak, « Ces lieux font partie du monde que nous partageons ; il ne s’agit pas d’un monde parallèle, mais d’une potentialité du monde différente 24».

Si la fiction peut nous sortir du réalisme capitaliste, mettre fin au capitalisme par l’imaginaire semble être une proposition fortement naïve, car seule l’action pourrait précipiter sa chute. Mais ce jugement est entièrement fondé sur la dichotomie imaginaire/réel, remis aussi en question par nos sciences contemporaines. Lorsque nous voulons faire une action simple, comme attraper une boîte d’allumette sur une table, nous nous créons un court récit d’anticipation. « Notre capacité à nous immerger dans l’imaginaire a pour base notre capacité à nous engager dans le monde. […] L’imagination ne nous projette pas dans un monde irréel, elle constitue au contraire une forme d’interaction avec le monde sur mode mental »25. Avant une action plus importante et complexe, comme incendier une antenne ou une banque, il faut spéculer des récits beaucoup plus sophistiqués, comprenant de multiple scénarios, sur une anticipation beaucoup plus lointaine. Un effondrement systémique du capitalisme réclame une multitude de récits et de pratiques spéculatives et collectives. La fiction est une première étape nécessaire à l’action, mais elle reste bien impuissante si elle n’aboutie pas sur cette dernière. Lorsque des promoteurs immobiliers spéculent sur une ville, ils mettent tout en œuvre pour que leur fiction de leur ville de demain se réalise. Laisser les récits post-capitaliste à l’état de fiction, c’est faire le jeu du réalisme capitaliste ! À bas l’État, le capitalisme, et leurs récits dominants !

1Graeber, D., « Préface », dans Damasio, A., Despentes, V., et al., Éloge des mauvaises herbes : ce que nous devons à la ZAD, Paris, Les liens qui libèrent, 2020, p.13.

2L’équipe d’auteur•ices de science-fiction travaillant pour le programme de l’Armée française « Red teams », a spéculé différents scénarios catastrophes, dont certain ont été rendu public. L’un deux, nommé la « P-Nation » a particulièrement angoissé les états-majors, et pourrait bien être inspirant pour divers militant•es. Dans cette spéculation, des réfugié•es climatique et des activistes dressé•es contre une société de contrôle techno-dystopique, fondent et s’unissent dans un pays flottants pirate, pour contre attaquer les nations capitalistes. Voir :P-Nation - Saison 0

3Pour en savoir plus sur ces récupérations capitalistes, voir l’article de Bourgeron, T., La fabulation spéculative, de Zanzibar à Balard, AOC, 2021

4 Comme les récits des Enfants du compost, proposant de nouvelles manières de faire symbiose et parentèle, pour la création de nouveaux liens multispécifiques et de sensibilité trans-espèces. Les protagonistes sont des enfants qui pour particularités principales est qu’iels viennent au monde dans des familles non-nucléaires et non-hétérocentrées, en tant que symbiote d’une espèce non-humaine, avec la quelle iels partagent des caractéristiques psychologiques et physiologiques, et qu’iels passent leurs vies à prendre soin de cette espèces et de leurs biomes.

Strivay, L., Terranova, F., Zitouni, B., Les enfants du compost, dans Debaise, D., Stengers, I., (éd.), Gestes spéculatifs, Les presses du réel, 2015

Haraway, D., Histoires de Camille, dans Haraway, D., Vivre avec le trouble, Des mondes à faire, 2020

Despret, V., Autobiographie d’un poulpe ou la communauté des Ulysse, dans Despret, V., Autobiographie d’un poulpe et autres récits d’anticipation, Actes Sud, 2021

5Tel que la fiction subtil béton des Aggloméré•e, spéculant une dystopie techno-capitaliste dans la quelle une insurrection a échouée (un récit de défaite qui nous plonge particulièrement dans le pessimisme du réalisme capitaliste). Ainsi que certains des récits d’Alain Damasio, comme Les Hauts® Parleurs®, une anticipation de lutte contre la privatisation des mots, ou Hyphes, spéculant l’avenir de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes face à la privatisation des territoires.

Les Aggloméré•e•s, Subtil béton, l’Atalante, 2022

Damasio, A., Les Hauts ® Parleurs ®, dans Damasio, A., Aucun souvenir assez solide, La Volte, 2012

6K. Le Guin, U., Les dépossédés, Éditions Robert Laffont, 1975

7Wikipedia, Utopie, consulté le 27 juin 2022, https://fr.wikipedia.org/wiki/Utopie

Cette citation est suivie de : « Cette polysémie, qui fait varier la définition du terme entre texte littéraire à vocation politique et rêve irréalisable, atteste de la lutte entre deux croyances, l’une en la possibilité de réfléchir sur le réel par la représentation fictionnelle, l’autre sur la dissociation radicale du rêve et de l’acte, de l’idéal et du réel. »

8Pour alimenter des nouveaux récits émancipateurs il nous faut des nouveaux mots. Les néologismes sont des outils pour proposer des futurs habitables, ils sont nécessaires pour casser nos verrouillages d’interprétation de la réalité. et pour imaginer d’autres rapports aux mondes. Les mots nous permette de découper, d’interpréter et de représenter le réel. Détournons les alors ! Jouons des normes, chamboulons les genres grammaticaux et inventons des nouveaux concepts ! D’autant plus que la novlangue néolibérale et managériale entrave nos vis et nous empêche de penser. Elle participe au réalisme capitaliste en nous imposant des concepts et en formatant nos imaginaires. Pour remplacer le concept d’utopie, il est aussi possible d’utiliser celui d’eutopie, malgré le manichéisme qui le sous-tend. L’écrivain Thomas More, le créateur de ces deux mots, définit l’utopie comme un lieu fictif, et l’eutopie comme le lieu du bon, mais les deux définitions ont été englobé dans le premier devenu polysémique.

9Carabédian, A., Utopie radicale - Par-delà l’imaginaire des cabanes et des ruines, Édition du Seuil, 2022

10 Au sujet de son roman « Les dépossédés », et inspirant les ateliers de l’Antémonde pour leur ouvrage « Bâtir aussi ».

K. Le Guin, U., op. cit.

Ateliers de l’Antémonde, Bâtir aussi, Cambourakis, 2019

11K. Le Guin, U., The Carrier Bag Theory of Fiction, Ignota Books, 2020

12Dans le cas de l’intégration de relations amoureuses et/ou sexuelles dans un récit, l’hétérosexualité n’est pas à privilégier, non par pour un quelconque pink washing, mais car l’écrasante majorité des relations dans les fictions sont hétérosexuelles, avec une forte tendance à coloporter des idéaux patriarcaux.

13 Ateliers de l’Antémonde, op. cit.

14 Désorceler la Finance, L’enquête sur l’Anomalie, Entre-temps, 2022 Introduction à l'enquête sur l'Anomalie ~ Entre-Temps

15 Graber, D., Wengrow, D., Au commencement était… Une nouvelle histoire de l’humanité, Les liens qui libèrent, 2021

16Haraway, D., Vivre avec le trouble, Des mondes à faire, 2020, p. 291

17 Un colloque avec des partenaires aussi sympathique que Vinci, Veolia ou Suez se déroulant dans le grand château de Cerisy-la-Salle

18En plus de travailler pour des assureurs, ces sociétés qui spéculent économiquement sur nos malheurs, cette start-up du récit occupe un espace géré par Plateau Urbain, un acteur majeur de l’urbanisme transitoire et d’immobilier solidaire, ce qui traduit de la novlangue donne : mesure anti-squat et gentrification.

19A., Leroi-Gourhan, Le geste et la parole. Technique et langage, Albin Michel, 1964, p. 295-296

20Si le chamanisme peut paraître hiérarchique, avec un•e chamane qui délivre verticalement un récit (ce que Charles Stépanoff appelle des dispositif de tente claire), il existe aussi des pratiques chamaniques hétérarchiques et horizontales, où chacun•e est libre de voyager dans l’invisible, sans l’intermédiaire du chamane.

Stépanoff, C., Voyager dans l’invisible – Techniques chamaniques de l’imagination, Les empêcheurs de penser en rond, 2019, p.141

21Stépanoff, C., op. cit., p.19

22Stépanoff, C., op. cit., p.18

23Krenak, A., Idées pour retarder la fin du monde, Éditions Dehors, 2020, p. 43

24Krenak, A., op. cit., p.51

25Stépanoff, C., op. cit., p. 36-37

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@jean-baptiste voici quelques propositions pour éliminer des caractères. Je place d’abord le paragraphe original, puis la version allégée, avec le compte des caractères « gagnés »

Infiltré jusque dans nos inconscients, le capitalisme a colonisé nos imaginaires.
Le philosophe Mark Fisher appelle le « réalisme capitaliste » cette impasse cognitive généralisée où « il est plus facile d’imaginer la fin du monde que la fin du capitalisme ».

Compte : -151

Cette panne de l’imaginaire se constate aisément par le prisme apocalyptique des dystopies techno-capitalistes qui dominent le cinéma de science-fiction. La prophétie de Margareth Thatcher : « il n’y a pas d’alternative » semble concrétisée. Le capitalisme serait devenu la seule réalité objective possible. Pourtant, il a tout d’une fiction. Il est fondé sur de grandes fabulations toxiques, tels les grands mythes de l’Homo œconomicus et de la rationalité économique, objectivant le comportement humain comme maximisateur, calculateur et individualiste ; la croyance en une croissance infinie dans un monde fini, avec son immonde oxymore de « développement durable » ; ou la légende prométhéenne du Progrès technocentré et salvateur.

Compte : -121
J’ai ajouté le conditionnel pour éviter de confirmer cette hégémonie.

Avec l’exacerbation de la financiarisation dès les années 1970, le capitalisme a évolué de l’accumulation vers la spéculation. Spéculer en économie c’est vouloir tirer du profit par l’anticipation de l’évolution des marchés. Mais souvent cette spéculation financière finit par influencer les marchés, aggravant les conditions de production. Cependant, la spéculation transformatrice, agissante sur nos réalités, n’est pas du seul ressort de la finance. Les fictions spéculatives militantes émergent comme une force émancipatrice et créatrice. En activant des possibles, nos spéculations peuvent être des outils de lutte pour sortir du réalisme capitaliste, voire du capitalisme. Mais les forces agissantes de ce dernier ont une forte tendance à tout détourner et récupérer à son avantage.

Compte : -81
_J’ai utilisé militant plutôt qu’activiste : c’est un débat intéressant que nous pourrions éclaircir en groupe. Attention à « voire » qui n’est pas « voir ».

Ainsi « l’Université de la Pluralité » crée des récits transformateurs au service des assureurs Axa ou la Maif, Usbek & Rica co-organise des concours de science-fiction pro-nucléaire au côté d’Andra, l’Armée française embauche des aut·eur·rice·s d’anticipation pour se préparer au futur, et de nombreux projets de design fiction alimentent le business as usual. Il est crucial ne pas laisser faire cet accaparement, et de conscientiser et organiser nos pratiques spéculatives militantes. Les lignes qui suivent chercheront à proposer des conditions à établir pour qu’une fiction nous permette de sortir du réalisme capitaliste.

Compte : -2

La profusion des récits de dystopie capitaliste, qu’ils soient pro- ou anticapitalistes, participe directement à ce marasme de l’imaginaire, en nous imposant le techno-capitalisme comme une fatalité.

Compte : -2
Correction grammaticale seulement.

Stratégiquement inspirantes et offrant des vertus critiques, les dystopies spéculant des récits de soin ou le lutte face au capitalisme et ses ravages, participent encore au réalisme capitaliste : irréalisables, trop éloignées de notre quotidien, elles maintiennett le status quo du réalisme capitaliste. Bien qu’exaltant et structurant pour le spéculactivisme anticapitaliste, le roman d’Ursula K. Le Guin Les dépossédées se déroule dans un autre système planétaire que le nôtre. Un autre monde non-capitaliste est possible—mais ça ne sera pas le nôtre ! La polysémie du mot « utopie » sème le trouble, car si elle « est une représentation d’une société idéale, une utopie peut désigner également une réalité difficilement admissible : en ce sens, qualifier quelque chose d’utopique consiste à le considérer comme irrationnel ». À nous d’inventer les mots et les nuances pour lever l’ambivalence de cette notion et donner de la force à nos récits ! Inversement à cette proposition d’utopie réalisable, Alice Carabédian dans Utopie radicale - Par-delà l’imaginaire des cabanes et des ruines, nous conseille d’oser des utopies impossibles justement pour leur impossibilité. Pour elle, l’utopie est un processus critique avant d’être un projet créateur, c’est un voyage avant d’être un rivage. Mais le réalisme capitaliste est si puissant qu’un récit post-capitaliste est déjà du ressort de l’impossible pour nos imaginaires entravés.

Compte : -170

Opposons les utopies radicales aux réformistes plutôt qu’aux réalisables ! Une société idéale, sans désaccord, est forcément totalitaire. Il est donc important de nuancer l’utopie et d’envisager des sociétés souhaitées, dont on peut expliciter les limites, les contradictions, les dérives. Si les dystopies sont enfermantes, les utopies post-capitalistes restent infécondes si elles ne nous confrontent pas aux durs problèmes pouvant surgir lors de la chute de notre système économique. Il nous faut des utopies ambiguës, pour reprendre le terme utilisé par Le Guin. Sans nier ni la violence ni le conflit, on peut éviter de leur donner une place centrale. Pour inventer des possibles post-capitalistes on doit privilégier ce que Le Guin appelle la « fiction-panier » et non des récits héroïques et patriarcaux, encore hégémoniques. Ces utopies ambiguës nous confrontent à la dureté de la vie sans le relatif confort que nous apporte le capitalisme.

Compte : -166

À mon avis ce passage devrait être restructuré afin d’équilibrer les citations : si tu poses la problématique de Lë Agary comme « yes but », il me semble qu’il faut articuler la même critique sur Haraka. Ce qui suit est donc seulement un brouillon et je ne compte pas les mots.

Les utopies de lutte doivent être pratiques et adaptées aux actions concrètes. Des anticipations ambiguës et pragmatiques requièrent une réflexion poussée sur les technologies afin d’éviter les écueils du mythe du progrès techno-scientiste comme celles d’une décroissance primitiviste trop radicale. Diverses approches ont été proposées pour se projeter dans de telles utopies proches de l’existant : l’uchronie des univers post-Haraka des ateliers de l’Antémonde, ou Il faudra faire avec nous de Lë Agary, entre fiction et manuel de sabotage, ou le rétro-futurisme proposé par le laboratoire sauvage Désorceler la Finance.

ne nous permet pas d’imaginer d’autres possibles mais la force qui en dégage pour les luttes est indéniable.

Quant au rétro-futurisme, il permet de penser l’existant du présent avec un regard fictionnel du futur. Comme les enquêtes sur les anomalies sorcières du laboratoire sauvage Désorceler la Finance, qui sont des archéologies de notre présent, narrant des recherches sur l’effondrement du capitalisme tardif.

Aucune cause exogène, sur laquelle nous n’avons aucune prise, comme des extra-terrestres ou un blob, ne permet de sortir du réalisme spéculatif ni d’alimenter des stratégies de lutte.

Le passé regorge également de récits transformateurs. L’Histoire, est un récit manipulable et manipulé, une fiction écrit par les oppresseurs. Il est possible de ronger les fondations du mythe capitaliste depuis des bases archéologiques et anthropologiques, à l’instar de Au commencement était… Une nouvelle histoire de l’humanité, de David Graber et David Wengrow.

Compte : -62

À suivre…

Le capitalisme tombera : il est déjà en train de sombrer, n’est-ce pas ?

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J’ai le cerveau tout ratatiné aujourd’hui…
J’arrive pas à formuler une phrase courte et percutante pour parler du processus en cours…

“Lors de la résidence THX 2022, le collectif archipel (ou petite singularité?) à mis en place un jeu de carte pour la création de récit alimentant les luttes en cours.”

c’est nul… vous m’aidez?

Lors de la résidence THX 2022, organisée par les petites singularités le collectif archipel s’est réuni pour penser des présents spéculatifs, des imaginaires de résistance actuels le plus souvent réfrénés par des imaginaires apeurés, posant les questions de leur possible existence conscients de l’ambiguité d’une telle démarche.

Vérifions l’accord de tous sur le nom ce soir.

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J’aimerais bien que la phrase soit courte, genre :

Lors de la résidence THX 2022(*) organisée par les petites singularités, le collectif Archipel spécule sur les possibles de luttes actuelles.

(*)Ce texte a été nourri et terminé lors de cette résidence Invitation to Please Synchronize

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plus précisément: l’armée a fait son entrée aux utopiales, festival de sf à nantes, où elle a ensuite embauché des auteurices de sf, pas forcément d’anticipation.(et sinon, au sujet de la red team, on en parlait sur le fediverse y’a peu: that biting transsexual nuisance (@Milouchkna@soc.punktrash.club) et y’a également des parodies: meli_melo (@meli_melo@social.wxcafe.net) )

+1000 :stuck_out_tongue:

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