Rapport : Mission K. Dick

Synthèse du Rapport n°2 de la mission « K. Dick » d’infiltration au sein des milieux d’activismes en fiction spéculative.

Lundi 15 Août 2022,

à Marseille

Monsieur le Directeur Générale de la Sécurité Intérieure Nicolas Larner,

Monsieur le Commissaire divisionnaire, Chef du Service interministériel d’assistance technique, Fabien Langue,

Comme indiqué dans le rapport n°1, ma réputation forgée lors des précédentes pénétrations des milieux d’ultra-gauche, notamment au sein de plusieurs ZAD et squats européens, me permet de garder l’opération sous couverture. Je maîtrise à présent parfaitement les codes sociaux de ces mouvances, et ma supposée vie de néo-nomade légitime à leurs yeux mes fréquents déplacements entre les différentes zones d’infiltration.

Contrairement aux craintes du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, les différents groupe d’écriture observés dans le milieu universitaire ne semblent représenter aucune menace directe. Leur prosélytisme islamo-gauchiste est indéniable, mais les idéaux développés dans leurs récits restent à l’état de fiction et sont peu radicaux dans leurs revendications. Il n’y a actuellement aucune preuve d’une quelconque organisation pour de potentiel passage à l’action concrétisant leurs spéculations. C’est pour ces présentes raisons que vous demande l’autorisation de me retirer de ces collectifs, et pour ainsi me concentrer sur d’autres, qui me paraissent bien plus mettre en danger les institutions de la République et de porter atteinte à l’intégrité du territoire national.

Parmi les différents groupuscules radicaux infiltrés, plusieurs se basent sur des médiums fictionnels et spéculatifs pour organiser leurs luttes et ainsi mettre en péril les intérêts de la Nation. De nombreux récits développés proposent des modèles sociétaux portant atteinte à l’intégrité de l’État-nation français, ainsi que des actions directes et des activités illégales pour les atteindre. Chacune de nos institutions – de la justice à la police, en passant par le gouvernement, l’économie, l’école ou la prison – s’y voit abrogée et démantelée pour être reconstruite sur des bases libertaires. Certains groupuscules choisissent de spéculer pour s’organiser sur des luttes plus localisées et avec des anticipations à plus court terme. Dans ces derniers cas, les efforts spéculatifs sont concentrés sur les stratégies militantes et les moyens mobilisés – occupation illégale, sabotages, et autres actions directes – plus que sur la spéculation d’une autre société. À l’inverse, une minorité de collectifs s’inspire de leurs propres organisations et de leurs actions pour l’écriture de leurs fictions. Les informations sur ces groupuscules, ainsi que les recommandations à destination des services de police compétents, sont détaillées dans le Rapport complet n°2.

L’information la plus cruciale et inquiétante interceptée à ce jour est la naissance d’un réseau inter-collectifs et international, organisé autour de l’activisme par la fiction spéculative. Parmi les différentes activités de ce réseau organisé, le détournement des travaux de la Red Team Defense a particulièrement retenu mon attention. Ce programme classifié de l’Agence de l’innovation de Défense est composé d’auteur•ices[1] et vise à mettre en relation des auteur•ices, dessinateur•ices et scénaristes de science-fiction, avec des experts scientifiques et militaires pour imaginer les menaces futures visant la France ou ses intérêts. Elle doit notamment permettre d’anticiper les aspects technologiques[2], économiques, sociétaux et environnementaux de l’avenir qui pourraient engendrer des potentiels conflits à l’horizon 2030 - 2060. Parmi les scénarios imaginés, certains sont classés Secret Défense alors que six autres ont été rendus public, dont celui appelé P-Nation. Ce dernier spécule sur un monde où dès 2030, des réfugié•es climatiques, poussé•es par la désertification et la montée des eaux et refoulé•es par les États-nations, s’organisent aux côtés d’individu•es anti-autoritaires se révoltant contre les sociétés de contrôle et la généralisation du puçage électronique sous-cutané. Cette coalition apatride évolue en mer grâce à des habitations flottantes, pour former la première nation post-territoriale basée sur des idéaux libertaires. Cette nation pirate use du terrorisme pour attaquer les intérêts de la France. Sous des prétexte anti-coloniaux et pour peser dans les relations internationales, ces pirates terroristes font exploser une fusée, décollant depuis la Guyane française, et ayant pour but la construction d’un ascenseur spatial pour l’exploitation des ressources minières des astéroïdes et faciliter les voyages dans l’espace. Un conflit armé éclate entre la P-Nation et la France, pour que celle-ci récupère la Guyane occupée par les forces ennemies. En 2040-2050 la P-Nation regroupe plus de 100 millions d’individus, et elle utilise la cyberpiraterie pour attaquer les flux internationaux. En 2064 les pirates de l’immense citée flottante de Lagos-sur-mer attaquent un chimiquier anglais dans la manche, causant une nouvelle guerre entre la nation pirate et les forces alliées. Un•e des auteur•ice de la Red Team Defense a récemment confié à la presse que ce scénario a particulièrement inquiété les États-majors. À l’inverse, c’est ce dernier qui a particulièrement stimulé le réseau d’activisme en fiction spéculative. Ces terroristes de la fiction se sont mis à détourner et développer ce scénario pour servir leurs intérêts, et donc desservir les nôtres. Iels ont publié des éditions pirates d’une centaine de pages, sous forme d’un recueil traduit dans plusieurs langues[3], dont de nombreuses proviennent de pays du sud d’où sont originaires la majorité des migrants rentrant sur le sol français. Je ne connais pas le nombre d’exemplaires imprimés, mais l’ouvrage circule dans d’innombrables lieux d’ultra-gauche, ainsi que ceux accueillant des migrants. Prisé dans les réseaux No Border et dans les collectifs de sans-papiers proches de ces groupuscules radicaux, l’idée d’une coalition entre des anti-autoritaires et des réfugié•es agissant contre la République semble faire des émules. Je retiens toute votre attention sur les risques engendrés par la politisation de réfugié•es radicalisé•es par cet ouvrage. Si les millions de migrant•es sur le sol européen venaient à rejoindre la poignée d’individu•es agissante dans les groupuscules d’ultra-gauche, la situation serait totalement hors de contrôle. De plus, lors de la dernière assemblée générale regroupant divers individus du réseau d’activisme en fiction spéculative, un groupe de travail constitué de cyberpirates a été formé, dans le but de hacker les ordinateurs des auteur•ices de la Red Team Defense – sans écarter la possibilité de s’attaquer au dossier confidentiels de l’Agence de l’Innovation de Défense si besoin est – pour intercepter les scénarios confidentiels, ainsi que les information classées Secret Défense parmi les scénarios rendus publics, dont celui de la P-Nation.

Je vous pris de communiquer mes inquiétudes aux plus hautes autorités compétentes.


  1. Bien que les collectifs infiltrés ont des mœurs et des pratiques très éloignés des valeurs républicaines, leur langage épicène m’a convaincu. Mes rapports seront à présent rédigés en écriture inclusive. N’y voyez en aucun cas une preuve d’endoctrinement auprès de ces organisations. ↩︎

  2. Les plans du futur porte-avions nucléaire français ont été modifiés l’année dernière grâce aux travaux de la Red Team Defense. ↩︎

  3. La version française est intégrée au Rapport complet n°2 ↩︎

C’est assez troublant ce point de vue.

moi aussi je suis un peu mal à l’aise avec cette histoire, je me souviens de ce dont tu nous a parlé mais je ne suis pas sure que cela aporte beaucoup à nos récits, ne s’agit il pas de leur paranoia?

c’est ce que je me disais aussi à la réflexion après avoir lu le texte. j’ai quelque peu souri à la lecture des réfs mais c’est tout.

J’ai dit que c’était troublant mais pas dénué d’intérêt. Ce que je trouve le plus troublant c’est de leur donner toutes les clés. Cela pourrait devenir un vrai rapport et nous conduire dans leur collimateur – non pas que nous n’y fussions déjà.

En fait, c’est ce « contre la République », ce positionnement anti- qui me dérange, car la vérité c’est que ce n’est pas la République qui nous gêne, on s’en foutrait plutôt, si ce n’était pour ses dispositifs de surveillance, de sécurité, d’esclavage, etc. Et puis, une telle coalition existe, contre FRONTEX, et non contre « la République ». Le fait d’user de la parole paranoïaque de la police ne fait que renforcer une vision qui pourrait, même si elle peut amuser læ lect·eur·rice, radicaliser contre nous les indécis·e·s ou les imbécil·e·s. L’usage de leur vocabulaire (« ultra-gauche », « puçage », « nos institutions », …) renforce le réalisme capitaliste plutôt qu’elle ne le combat.

Je trouve le texte bien pensé et réaliste, peut-être un peu trop…

Ça vient… Mais pas par l’« ultra-gauche » – que ce terme est nase.

je suis rentré dans la sf par K. Dick, il fallait bien que je parte un jour dans un délire paranoïaque haha

c’est un jeu un peu dangereux effectivement, mais justement il y a une boucle itérative dans ce jeu là. Le scénario de la P-nation existe vraiment, et il nous donne aussi des clefs

comme les deux premières métafictions, ce texte n’est clairement pas destiné aux indéci•ses mais à des individus écrivant des fictions militantes.

Je pouvais pas écrire un rapport de police sans utilisé leur mots…
En tout cas je comprendrais que ce texte n’est pas sa place dans le THX, mais il m’a lancé sur la réappropriation du récit de la P-nation, et je pense que ça va être une sacrée aventure :slight_smile:

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Cela me met assez mal à l’aise de nous mettre en rapport avec des « aut·eur·rice·s de science-fiction » qui travaillent pour l’armée. Je suis objecteur de conscience alors…

??? nous mettre en rapport?? pas compris…
C’est un détournement, une réappropriation de leur travaux, dans une aspirations inverse à la leurs. et j’ai l’impression que c’est extrêmement nécessaire !!

Hum ça me fait beaucoup réfléchir, je ne sais absolumment pas quoi penser de cet objet, je ne vois pas très bien ou il me mène…
Peut-être as tu raison c’est un encouragement en montrant que la spéculation est forte. Mais est-ce que cela nous renforce d’inquiéter ou au contraire nous met en danger… Mais tu as peut-être raison c’est une façon de se mettre au diapason de résonner avec leur paranoia jusqu’a la faire exploser.

Je viens de lire la bd que nous avons sur les 1000 jours de Allende et puis sa chute dans un coup d’état (le temps des humbles de Alain et Désirée Frapier) et ce qui était le plus chocant était le discours des promoteurs du coup d’état qui disaient avoir renversé Allende avant qu’il ne devienne un dictateur (pour donc installer une dictature militaire à sa place) Allende quand à lui e toujours été d’un légalisme pointilleux, et réformiste consensuel. Si il avait poussé un peu plus son autorité (en organisant un référendum constitutionnel par exemple) il ne serait peut être pas tombé et tant de gens ne seraient peut être pas morts.
Les riches sont Paranoïaques il n’y a aucun moyen de leur démontrer que les autres ne sont pas agressifs.

À partir du moment où tu y fais référence, tu crées un rapport, quel qu’il soit. Je n’ai personnellement pas envie de lire ce qu’ils écrivent. Consacrer du temps à l’armée, non merci.

oui je comprend, moi je vais me plonger dans ce rapport (de lutte) contre la red teams. J’en parle déjà dans mon texte “Spéculactivisme”, et je compte continuer à dénoncer leur pratique et détourner leur récit. Iels viennent de sortir un bouquin, disponible dans tout les librairies de droite ^^, que je vais voler soon.
J’ai fait lire ce sujet à fabrice sabatier de DLF qui à répondu :
“J’ai lu les commentaires à ce texte. Ce que j’y ai lu, pour ma part, et que j’ai aimé, c’est la réflexion sur la non-possession des récits et sur leur potentielle ‘dangerosité’ (comme la magie). Les récits n’appartiennent pas à leurs auteur-rices, ils peuvent être retournés constamment, ils nous nourrissent, nous renforcent mais nous dévoilent. Nos récits peuvent se retourner contre nous, mais leurs récits peuvent également nous servir pour nous défendre. Bref, cette dimension pharmakologique est importante à garder à l’esprit, je crois, pour ne pas idéaliser la spéculation et la considérer plutôt comme une méthode à agencer avec beaucoup d’autres.”

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Alors, tu as pu y jeter un oeil à cette P-Nation ?

Ces noms sont-ils réels ?

Je pense que ce texte pourrait bénéficier d’une intervention chirurgicale :

  1. renvoyer tout ce qui touche à la Red Team Défense – bonjour le franglais – au rapport complet n°2 (« voir telle note dans le chapitre ‘Contexte’ »)
  2. utiliser l’espace ainsi sauvé à détailler le « débordement fictionnel dans la réalité ».

??? comment ça ??

Oui c’est vrais noms vrais fonction à peine modifié, ça crain?

D’accord avec ta proposition de modification

Re: P-Nation, je pensais à ce que tu disais en relation à lire leur fiction et explorer comment la détourner.

Pour les noms, je ne pense pas que cela soit un problème.

Je reviens sur ta proposition de virer tout le passage sur la red team
(tu pensé à ce passage? :

J’ai peur que certain•es lecteur•ices n’est pas la réf’ sur la red team, et ça perd un peu de son sens du coup…

Pourquoi ne pas prononcer quelque chose comme :

« Red Team Défense, l’organe de propagande de l’armée recruté parmi les auteurs de science-fiction français volontaires. »

Si les lectaires sont intéressæs pour en savoir plus, als peuvent faire la démarche. Je trouve qu’une description succincte ne gêne pas le sens du texte et il me semble qu’un « supérieur hiérarchique » devrait être au fait de ce que font ses acolytes.

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J’ai fait des corrections, cependant tout le laïus sur la RTD reste en place malgré ma proposition.

D’autre part je reste convaincul que donner la parole à l’ennemi ne nous sert pas particulièrement. J’en suis même à douter de l’intérêt de mes propres textes.

Quelle décision prendre par rapport à ce texte de @jean-baptiste
.
Je ne suis pas super à l’aise de le publier, je n’aime pas beaucoup lire la voix des représentants des forces policières de l’ordre ou autres… Leur paranoïa m’angoisse.

J’aimerais savoir ce qu’en pensent les autres il y a peut-être des choses que je n’ai pas vu/compris ou un intérêt à avoir cette voix dans notre recueil…
Bref @thx-2022 vos avis sur la perinence de publier cette nouvelle dans présents suspendus sont bienvenus.

je comprends l’intention de jean baptiste mais je rejoins les craintes de natacha.
je n’ai pas envie de parler à la paranoïa des gentes, même si ça peut être un exercice intéressant d’assumer le point de vue de " l’autre camp "

perso je ne suis même pas fan de Dick xD

pas sûre que je sois à l’aise que ce texte soit inclus dans ce recueil non plus.

(autant la paranoïa de dick me dérangeait pas trop, autant là, je sais pas comment dire… le texte n’est pas peut être pas assez nuancé et critique vis-à-vis de celle-ci?)