SPÉCULACTIVISMES - Sortir du réalisme capitaliste par la fiction spéculative

@jean-baptiste voici quelques propositions pour éliminer des caractères. Je place d’abord le paragraphe original, puis la version allégée, avec le compte des caractères « gagnés »

Infiltré jusque dans nos inconscients, le capitalisme a colonisé nos imaginaires.
Le philosophe Mark Fisher appelle le « réalisme capitaliste » cette impasse cognitive généralisée où « il est plus facile d’imaginer la fin du monde que la fin du capitalisme ».

Compte : -151

Cette panne de l’imaginaire se constate aisément par le prisme apocalyptique des dystopies techno-capitalistes qui dominent le cinéma de science-fiction. La prophétie de Margareth Thatcher : « il n’y a pas d’alternative » semble concrétisée. Le capitalisme serait devenu la seule réalité objective possible. Pourtant, il a tout d’une fiction. Il est fondé sur de grandes fabulations toxiques, tels les grands mythes de l’Homo œconomicus et de la rationalité économique, objectivant le comportement humain comme maximisateur, calculateur et individualiste ; la croyance en une croissance infinie dans un monde fini, avec son immonde oxymore de « développement durable » ; ou la légende prométhéenne du Progrès technocentré et salvateur.

Compte : -121
J’ai ajouté le conditionnel pour éviter de confirmer cette hégémonie.

Avec l’exacerbation de la financiarisation dès les années 1970, le capitalisme a évolué de l’accumulation vers la spéculation. Spéculer en économie c’est vouloir tirer du profit par l’anticipation de l’évolution des marchés. Mais souvent cette spéculation financière finit par influencer les marchés, aggravant les conditions de production. Cependant, la spéculation transformatrice, agissante sur nos réalités, n’est pas du seul ressort de la finance. Les fictions spéculatives militantes émergent comme une force émancipatrice et créatrice. En activant des possibles, nos spéculations peuvent être des outils de lutte pour sortir du réalisme capitaliste, voire du capitalisme. Mais les forces agissantes de ce dernier ont une forte tendance à tout détourner et récupérer à son avantage.

Compte : -81
_J’ai utilisé militant plutôt qu’activiste : c’est un débat intéressant que nous pourrions éclaircir en groupe. Attention à « voire » qui n’est pas « voir ».

Ainsi « l’Université de la Pluralité » crée des récits transformateurs au service des assureurs Axa ou la Maif, Usbek & Rica co-organise des concours de science-fiction pro-nucléaire au côté d’Andra, l’Armée française embauche des aut·eur·rice·s d’anticipation pour se préparer au futur, et de nombreux projets de design fiction alimentent le business as usual. Il est crucial ne pas laisser faire cet accaparement, et de conscientiser et organiser nos pratiques spéculatives militantes. Les lignes qui suivent chercheront à proposer des conditions à établir pour qu’une fiction nous permette de sortir du réalisme capitaliste.

Compte : -2

La profusion des récits de dystopie capitaliste, qu’ils soient pro- ou anticapitalistes, participe directement à ce marasme de l’imaginaire, en nous imposant le techno-capitalisme comme une fatalité.

Compte : -2
Correction grammaticale seulement.

Stratégiquement inspirantes et offrant des vertus critiques, les dystopies spéculant des récits de soin ou le lutte face au capitalisme et ses ravages, participent encore au réalisme capitaliste : irréalisables, trop éloignées de notre quotidien, elles maintiennett le status quo du réalisme capitaliste. Bien qu’exaltant et structurant pour le spéculactivisme anticapitaliste, le roman d’Ursula K. Le Guin Les dépossédées se déroule dans un autre système planétaire que le nôtre. Un autre monde non-capitaliste est possible—mais ça ne sera pas le nôtre ! La polysémie du mot « utopie » sème le trouble, car si elle « est une représentation d’une société idéale, une utopie peut désigner également une réalité difficilement admissible : en ce sens, qualifier quelque chose d’utopique consiste à le considérer comme irrationnel ». À nous d’inventer les mots et les nuances pour lever l’ambivalence de cette notion et donner de la force à nos récits ! Inversement à cette proposition d’utopie réalisable, Alice Carabédian dans Utopie radicale - Par-delà l’imaginaire des cabanes et des ruines, nous conseille d’oser des utopies impossibles justement pour leur impossibilité. Pour elle, l’utopie est un processus critique avant d’être un projet créateur, c’est un voyage avant d’être un rivage. Mais le réalisme capitaliste est si puissant qu’un récit post-capitaliste est déjà du ressort de l’impossible pour nos imaginaires entravés.

Compte : -170

Opposons les utopies radicales aux réformistes plutôt qu’aux réalisables ! Une société idéale, sans désaccord, est forcément totalitaire. Il est donc important de nuancer l’utopie et d’envisager des sociétés souhaitées, dont on peut expliciter les limites, les contradictions, les dérives. Si les dystopies sont enfermantes, les utopies post-capitalistes restent infécondes si elles ne nous confrontent pas aux durs problèmes pouvant surgir lors de la chute de notre système économique. Il nous faut des utopies ambiguës, pour reprendre le terme utilisé par Le Guin. Sans nier ni la violence ni le conflit, on peut éviter de leur donner une place centrale. Pour inventer des possibles post-capitalistes on doit privilégier ce que Le Guin appelle la « fiction-panier » et non des récits héroïques et patriarcaux, encore hégémoniques. Ces utopies ambiguës nous confrontent à la dureté de la vie sans le relatif confort que nous apporte le capitalisme.

Compte : -166

À mon avis ce passage devrait être restructuré afin d’équilibrer les citations : si tu poses la problématique de Lë Agary comme « yes but », il me semble qu’il faut articuler la même critique sur Haraka. Ce qui suit est donc seulement un brouillon et je ne compte pas les mots.

Les utopies de lutte doivent être pratiques et adaptées aux actions concrètes. Des anticipations ambiguës et pragmatiques requièrent une réflexion poussée sur les technologies afin d’éviter les écueils du mythe du progrès techno-scientiste comme celles d’une décroissance primitiviste trop radicale. Diverses approches ont été proposées pour se projeter dans de telles utopies proches de l’existant : l’uchronie des univers post-Haraka des ateliers de l’Antémonde, ou Il faudra faire avec nous de Lë Agary, entre fiction et manuel de sabotage, ou le rétro-futurisme proposé par le laboratoire sauvage Désorceler la Finance.

ne nous permet pas d’imaginer d’autres possibles mais la force qui en dégage pour les luttes est indéniable.

Quant au rétro-futurisme, il permet de penser l’existant du présent avec un regard fictionnel du futur. Comme les enquêtes sur les anomalies sorcières du laboratoire sauvage Désorceler la Finance, qui sont des archéologies de notre présent, narrant des recherches sur l’effondrement du capitalisme tardif.

Aucune cause exogène, sur laquelle nous n’avons aucune prise, comme des extra-terrestres ou un blob, ne permet de sortir du réalisme spéculatif ni d’alimenter des stratégies de lutte.

Le passé regorge également de récits transformateurs. L’Histoire, est un récit manipulable et manipulé, une fiction écrit par les oppresseurs. Il est possible de ronger les fondations du mythe capitaliste depuis des bases archéologiques et anthropologiques, à l’instar de Au commencement était… Une nouvelle histoire de l’humanité, de David Graber et David Wengrow.

Compte : -62

À suivre…