Ce mois-ci est sorti aux éditions Allia un petit ouvrage de la philosophe Anne Alombert. J’ai noté en page 85 : « Comme d’habitude : la conclusion est notre point de départ. » Le nous, ici, ce sont les petites singularités. Car ce que propose Anne Alombert n’est autre que la démarche qui fonde notre association. Elle le pose en arguments philosophiques et je ne peux que l’en remercier pour poser en termes clairs et concis ce qui nous porte : elle réussit à l’articuler avec éloquence et de manière très simple à saisir et comprendre, même pour des profanes, ce qui est en soi un objectif que nous n’avons pas encore su réaliser.
Je ne connaissais pas du tout le travail ni la démarche d’Anne Alombert et je crois pouvoir dire que nous tenons là une alliée au Conseil National du Numérique (c’est en F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒.) Il faut avouer qu’elle est simondonienne, ce qui la place hautement dans mon estime.
Le véritable défi actuel […] consiste […] à ouvrir de nouvelles possibilités de réflexion et de délibération : les technologies numériques […] devraient […] devenir des supports d’intelligence collective, permettant aux esprits de se rencontrer et de s’individuer, à travers des projets communs et singuliers. Les algorithmes […] devraient […] permettre l’expression et la confrontation de points de vue diversifiés, l’interprétation de contenus et de débats argumentés. C’est à cette condition seulement qu’un espace public numérique pourrait émerger […]
Elle engage à « élaborer de nouveaux critères permettant d’évaluer la valeur écologique, psychosociale et technique des innovations et soutenir les investissements sur le temps long, à l’aune de leur apport pour les localités et les habitants » et appelle à la mise en œuvre de « dispositifs de recherche […] qui associeraient les sciences de l’ingénieur et les sciences humaines, les savoirs théoriques des chercheurs et les savoirs pratiques des professionnels » afin que ces investissements soutiennent « la diversité des perspectives et l’exploration d’hypothèses minoritaires » ; j’ai bien envie d’acquérir les droits de traduction en anglais afin de partager cette lecture avec nos collègues de NGI Zero. Je regrette n’avoir pas connu sa démarche plus tôt, sans quoi nous aurions pu l’inviter lors du premier THX qui, sans la présence in extremis de Ludovic Duhem – qui nous a généreusement donné un crash course sur la pensée de Simondon – se serait passé de philosophes[1].
Anne Alombert conclut sur une pensée qui, je l’espère, pourra orienter notre réflexion lors du prochain Par Surprise :
À une époque où l’avenir de la planète n’est plus dissociable de celui des sociétés, le fait de concevoir et d’expérimenter des technologies soutenables pour les milieux psychiques et les relations collectives est sans doute devenu l’enjeu du siècle.
Si elle était belge, je la proposerais sans hésiter au Conseil d’Administration des petites singularités.
le premier THX, tenu à PAF, était censé faire se rencontrer des hackers et des philosophes de la technique. Malheureusement, parmi le réseau de PAF, ces derniers ont préféré ne pas répondre à notre appel, ce qui, selon moi, est symptomatique d’une pensée qui « ne met pas les mains dans le cambouis ». ↩︎