Quelques films de référence…
Je visionnai récemment Salò ou les 120 journées de Sodome, le dernier film de Pier Paolo Pasolini. Je ne l’avais jamais vu et je ne m’attendais à rien de précis, ayant réussi à passer entre les gouttes de son immense célébrité. J’en suis encore tout retourné : c’est un film à voir, mais « il faut y être prêt » – cependant aujourd’hui le niveau d’ultra-violence des images mouvantes rend ses visuels de torture plus accessibles. Si vous l’avez déjà vu, ou si vous en avez le courage, vous savez, vous saurez, combien la normalité, l’obéissance, la docilité encouragent et permettent au pouvoir de se répandre telle une marée noire sur ce qui fut auparavant un océan de liberté. C’est il me semble un film qui n’a pas vieilli, d’autant plus avec les retours acides du fascisme contemporain.
Je continue mon monologue solitaire avec une histoire d’abandon, celle de la désormais célèbre Mary Shelley, dont la mère Mary Wollstonecraft avait écrit, à un moment où peu de femmes étaient reconnues comme auteures, A Vindication of the Rights of Woman with Strictures on Political and Moral Subjects, entre autres ouvrages de politique consacrés à la condition des femmes dans un monde de plus en plus soumis à l’acquisition et à la consommation.
Haifaa Al Mansour, la (seule) réalisatrice Saoudienne, signe une vision terrienne de l’amour entre le poète Percy Shelley, dépeint comme un homme comme tant d’autres, faible et prisonnier des schémas que lui-même tente d’éviter avec toute la maladresse et l’horreur qu’elles entraînent, et une Mary Shelley en Cendrillon, mère morte en couches ou presque, subissant la stupidité d’une belle-mère tellement loin de la puissance de cette mère qu’elle n’a jamais connue. Mais ce film éponyme, Mary Shelley montre surtout la condition de la femme contemporaine à travers le destin exceptionnel de l’autrice du Frankenstein; or, The Modern Prometheus. Ce film montre avant tout la faiblesse des hommes et la force des femmes. La faiblesses des hommes, pris dans la fiction de leurs rôles, et la force des femmes qui, prises dans la réponse amoureuse à ces fictions, doivent reprendre pied dans la dureté d’une réalité laissée à l’abandon par cette engeance vile et lâche, toute empreinte de gloire et d’apparence.