Mačko Dràgàn se présente comme un journaliste gonzo punk-à-chat. Mais bon, on n’a pas tous les même goûts, et c’est tant mieux. Car dans son livre, j’ai découvert tout un tas de références qui, si nous en partageons quelques-unes (notamment une admiration pour Tè Mawon de Michaël Roch), me restaient pour bon nombre d’entre elles, inconnues. Je lis rarement des polars, voire jamais. Lui semble en dévorer beaucoup, d’inspiration anarchiste et sudaka, issus des vagues contestataires et révolutionnaires des « hispano-amériques ». Il aime aussi le cinéma, mais là, nous n’avons pas forcément les mêmes goûts, même si j’avoue un penchant voyeur-malsain à suivre l’immondice que produit la machine hollywoodienne. Hier encore, je voyais un film chinois, oui, chinois de Chine pop’, qui m’a collé trois heures et rincé mes yeux, sans un coup de feu, sans même un flingue, avec de vraies personnes qui vivent de vraies amitiés et de vraies tragédies. Mais là n’est pas le sujet, je reviendrai sur la sous-culture Merkan plus tard.
Dràgàn, dont je découvrais là son travail, tient un blog sur Mediapart qui fait plaisir à lire. On y trouve des coups de latte sur les chiens de garde et des invitations à l’efficacité stratégique en littérature :
C’est ça pour moi la littérature-molotov : des écrits en forme de lames, sans chichis comme un épisode de bip-bip et Coyote, et qui tapent dans le mille pour déconstruire les imaginaires d’oppression qui nous sont imposés.
Et après l’avoir lu, je me sens à la fois inquietx et rassuræ : inquietx parce que je partage son sentiment d’imposture lorsqu’il met en avant Roberto Bolaño ou Nicanor Parra, mais aussi rassuræ lorsque dans sa conclusion il nous montre les quatre ingrédients d’une littérature-molotov comme un manifeste pour une infinité de voix qui brûlent, qui pourrait sortir de THX :
- Ne jamais se fier au langage
- Ajouter une bonne dose de queer
- Ne pas lésiner sur la sauce prolétaire
- S’assurer que sa potion soit irrécupérable
La quatrième de couverture de son Abrégé de littérature-molotov offre d’ailleurs un divulgâchis familier :
« La littérature peut ne pas être consensuelle, verbeuse et chiante. » Tel est le point de départ de cet essai : (ré)inscrire la littérature dans le champ de la culture pop subversive, donnant à voir la multiplicité des possibles désirables, au même titre que le cinéma, la musique, la bédé, les jeux vidéo… Elle peut prendre la forme d’une claque ou d’un cocktail Molotov. Elle l’a fait, le fait encore, le fera tant qu’il y aura des tarés, des marginales, des inadaptés, des invisibles pour nous conter des histoires, jusqu’au dernier feu de camp des derniers humains qui auront survécu à la toute fin de la fin du monde. Au cœur d’un capitalisme qui broie les voix dissonantes et uniformise tout produit culturel, y a-t-il encore de la place pour des récits d’émancipation bien vénères ? Spoiler : la réponse est oui.