"Pourquoi j'ai cramé les deux antennes du mont Poupet"

Incarcéré depuis 9 mois, condamné le 19 mai dernier, Boris revient dans cette lettre sur les raisons de son action, ainsi que sur son parcours dans le labyrinthe policier et judiciaire. Il y explique ses erreurs, afin que d’autres puissent s’en inspirer tout en déjouant mieux la répression.

Salut Moi c’est Boris. Cela fait maintenant 9 mois que je suis incarcéré au centre pénitentiaire de Nancy maxéville pour l’incendie de deux antennes-relais dans le Jura en avril 2020.

Si je me décide seulement maintenant à écrire quelques mots publics autour de mon affaire, c’est notamment lié au fait que l’État vient de me juger et il me semble vital de coucher sur le papier mes impressions et mes rages contre ce techno-totalitarisme qui ne s’estompent absolument pas depuis que je suis enfermé. Bien au contraire.
Alors que les États s’acordaient pour museler la population en la sommant de rester sagement chez elle sous prétexte d’endiguer la pandémie de covid-19, des vagues de sabotages ont déferlé en France et en Europe (Pays-Bas, Angleterre, Italie,…) contre les infrastructures de la domination technologique (antennes-relais, réseaux souterrains de fibre optique, centrales électriques…) D’Est en Ouest, du Sud au Nord de l’hexagone, des pylônes ont été abattus, leurs câbles sectionnés et pour la plupart carbonisés par dizaines, interrompant les télécommunications, la géolocalisation des téléphones portables et l’espionnage de celles et ceux dans le viseur des organes de la répression.

Au moment de rédiger ces quelques lignes, ces sabotages contre les réseaux télécom continuent de plus belle, même si la domination a tout intérêt à les dissimuler ou les minimiser. Parfois, l’ampleur des destructions est telle qu’il leur est impossible de les mettre en sourdine comme l’incendie d’un relais TDF dans les Bouches-du-Rhône début décembre 2020 ou encore le sabotage incendiaire revendiqué à coté de Limoges pour commencer l’année 2021 avec de bonnes résolutions.
La toile technologique, qui couvre l’ensemble des territoires, se répand à toute vitesse et perfectionne son fonctionnement avec le nouveau réseau 5G, permet de faire accepter tout un tas de nouvelles normes sociales imposées par l’État, sous les recommandations et la bénédiction de médecins et de scientifiques. Au même titre que tout un tas de produits et de drogues qui maintiennent la population sage et docile, les écrans jouent un rôle de premier plan pour faire accepter le confinement au plus grand nombre : télétravail, télé-apéro, télé-école, télé-… Comment la domination aurait-elle pu faire « respecter » cette assignation à résidence à grande échelle sans toute cette techno-structure ?
L’heure est à l’accelération des flux et des données, à la connectivité des objets du quotidien pour contrôler, écouter, tracer, et espionner toujours plus, rendre l’être humain sans cesse plus esclave de la machine. C’est tout cela que la domination appelle « progrès », « civilisation ». En réalité, ce projet de société a tout de dystopique.
Face à ce quadrillage du numérique, il n’y a pas 36000 solutions. Il me semble nécessaire de dépasser le stade de la critique et d’agir ici et maintenant, en reliant les idées aux actes, en prenant les précautions nécessaires pour éviter de tomber dans les mailles de la répression. Et malheureusement je sais de quoi je parle.
Toute l’affaire part d’un bouchon bleu d’apparence neuf et recouvert d’une substance huileuse en plastique au pied d’un des deux relais du mont poupet, sur lequel est prélevé mon adn. Etant fiché, je me retrouve dans le viseur des juges et des flics qui mettront de gros moyens humains et financiers pour épier mon quotidien (mes habitudes, mes fréquentations) durant l’été 2020 ( imsi catcher,cameras devant les domiciles, gps sous les voitures de mes proches, écoutes et géolocalisation, civils du GIGN (de versailles) en filature et en planque…)

Pour ce qui concerne la GAV, je dois bien dire que j’ai « merdé » en parlant ( même si ce n’était qu’à mon sujet). J’ai beau avoir fait de nombreuses gav auparavant sans avoir jamais rien dit, ce jour-là j’ai fait cette erreur si fatale, qui, une fois faite, est impossible à réparer, à effacer. Il reste le risque de s’enfoncer encore plus, de s’embourber dans des explications qui ne peuvent qu’être préjudiciables à l’accusé.
Je m’en suis voulu et je m’en veux encore aujourd’hui, d’avoir donné des billes à la répression répondant à l’interrogatoire de ces inquisiteurs du pouvoir, véritables pervers qui savent parfaitement s’engouffrer dans les failles psychologiques de l’individu, et faire craquer. Ça ne se reproduira plus jamais.

Le 22 septembre à Besançon, les gendarmes de la section régionale de Besançon (et d’autres de la cellule Oracle), accompagnés de la police judiciaire de Dijon, ont déboulé aux alentours de 6h30 chez moi ainsi que dans deux autres domiciles. Sur commission rogatoire de la juge d’instruction Lydia pflug (à la tête de la JIRS de Nancy) pour destruction par incendie d’antennes-relais en bande organisée,participation à une association de malfaiteurs et destruction par incendie en bande organisée, à Besançon dans la période du 9 janvier au 9 avril 2020.
Si les deux autres perquisitionnés sont sortis en fin de journée, j’ai été déféré à l’issue de mes 48 heures de garde à vue dans le bureau de la juge, inculpé de l’incendie de 2 antennes relais sur le Mont Poupet le 10 avril 2020 dans le Jura et placé sous le statut de témoin assisté pour un autre incendie, celui d’un local technique SFR du relais TDF du Mont de bregille, sur les hauteurs de Besançon. Ce qui vaut la qualification de tentative.
À l’issue de l’enquête en mars 2021 le parquet requiert le non-lieu pour l’association de malfaiteurs et la tentative d’incendie de fin mars. Mais réitère le renvoi en correctionnelle pour l’incendie du 10 avril 2020.

Lors de ce feu nocturne sous confinement, les télécommunication de l’ensemble des opérateurs télécoms (Bouygues SFR Orange et Free) ainsi que des organes répressifs de l’État (police et gendarmerie) et de la société d’électricité Enedis se sont retrouvés momentanément hors service. Ils estiment les dégâts entre 750000 et un million d’euros. C’est donc précisément pour ces faits que j’ai comparu le 19 mai au tribunal de Nancy. Malgré la demande de report de mon avocate, qui ne pouvait pas être présente, le tribunal, après plus d’une heure d’attente, a statué pour la tenue de l’audience.
La mascarade pouvait alors continuer, sans public mais avec un journaleux de la presse locale, prêt à dégainer sa verve de laquais du pouvoir pour assoir un peu plus la domination, à aider l’état à faire passer sa vengeance lâche et froide, à l’abris des regards et des oreilles venus en soutien.

La présidente, qui dès le début se plaignait du manque de considération de la part de son ministre vis-à-vis du corps des magistrats [1] ( la grogne des flics donnerait-elle des idées à la magistrature ?), en vient à aborder le refrain du pauvre citoyen malade qui ne peux plus appeler l’hôpital, du fin fond de sa campagne, pour se faire soigner.

Je rétorque simplement qu’il est temps d’apprendre à vivre les uns avec les autres, ce que la société nous a retiré en nous isolant derrière des machines, avec des écrans nous rendant aveugle, des oeillères nous rendant sourds face à l’atrocité de ce monde, qui exploite, empoisonne et tue les êtres vivants, humains comme non-humains. Je donne alors un exemple personnel, sur le fait que moi même j’ai grandi sans portable et qu’il existait certainement plus d’entraide et de soutien entre les gens, une époque où l’on avait pas besoin d’application pour se parler, se rencontrer, s’embrasser ou baiser…
Je passe directement au verdict énoncé par la présidente, que j’ai à peine entendu. 4 ans de taule dont 2 de sursis probatoire plus plusieurs dizaines de milliers d’euros d’amende ( je ne me souviens plus la somme exacte)
En sortant du tribunal, j’ai eu le plaisir de voir un bon groupe de potes et compas en soutien qui ont semé un moment les CRS pour me saluer au cris de « liberté ! Liberté ! ». Ca m’a envoyé pas mal de chaleur et de la force.
Mes yeux étaient à la fois remplis de tristesse, de joie et beaucoup de rage.
Quelques minutes après l’énoncé du jugement, je savais déjà que je ferais appel, ce que j’ai fait trois jours plus tard alors que je me trouvais au mitard ;
J’aimerais éclaircir quelques points sur ce qui est sorti dans la presse. Ce n’est pas uniquement contre la technologie 5G que j’ai agi. C’est l’ensemble des ondes (2g, 3g, 4g) contre lesquelles je lutte. Le techno- totalitarisme impose ses plans macabres à toute vitesse, renforçant et améliorant ses infrastructures déjà existantes. Bien sûr la 5G va nécessiter l’installation d’une multitude de mini antennes partout pour accélérer les flux de données d’informations et ainsi permettre par exemple de connecter chaque objet du quotidien. Ôter toute autonomie aux individus, les rendre esclaves des machines tout en les espionnant à des fins commerciales ou autres (auto-isolement, exploitation à domicile avec le télétravail, abandon de contact tactile entre nous, omniprésence des écrans petits et grands dans nos vies), c’est l’avenir proche qui se dessine, la dystopie en marche.
D’ailleurs, à destination de celles et ceux qui continuent de croire aux énergies dites « vertes », à la pseudo transition énergétique qui n’est en réalité qu’une accumulation des ressources, à l’extraction de tout un tas de métaux aux quatre coins du monde dont les quantités nécessaires pour produire leur bagnoles éléctrique, leurs kilomètres de câbles (souterrains ou haut perchés) sont en constante augmentation et qui sèment cancers, dévastation et mort : le problème n’est pas uniquement l’émission de gaz à effet de serre. Ce n’en est qu’une infime partie. Le « tout électrique » est tout aussi dévastateur et mortel. L’extraction de tous ces métaux ne peut se faire qu’en utilisant des acides ultra-nocifs et polluants, qui pourrissent et empoisonnent sols et cours d’eau, causant des maladie incurables, quand ce n’est pas une mort rapide et certaine. C’est la réalité du tout numérique qu’ils cherchent à faire passer pour écologique, comme une alternative à la pollution de l’air.

Autant de raisons pour lesquelles je fais partie de celles et ceux qui, au premier retentissement de l’ordre étatique et sanitaire, ont refusé de s’enfermer chez elle/eux et sont sorti-e-s pours’attaquer directement à un des piliers de la domination.

La tête haute, le cœur ardant !

Vive l’anarchie !

Boris



Pour obtenir son numéro d’écrou et écrire à Boris, on peut envoyer un mail à besakattak at riseup.net, tandis que du côté de ses mandats en taule, ils sont toujours assurés par Kaliméro , caisse de solidarité avec les prisonnier.e.s de la guerre sociale.

En 2021, Boris a été plongé en coma artificiel au service des grands brûlés de l’hôpital de Metz. Le feu aurait pris vers 6h30 dans la cellule samedi 7 août

Je ne sais pas si il est encore dans le coma.
La seule certitude est que la prison est un système de torture institutionnalisée, et que l’État -de la police à la justice jusqu’à la prison-, est directement responsable de cette situation.

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S’il est en coma artificiel, est-il capable de recevoir des courriers ? Il me paraît improbable qu’il puisse y répondre : il me semble que la décision nous incombe de savoir si, comme pour les sabotages d’antennes, la stigmergie des récits doit jouer ou pas.

Le début du coma artificiel c’était il y a presqu’un an,
pas d’info sur le net, mais des rumeurs sur son état, plus ou moins contradictoires, donc je ne sais pas