Présence Solidaire à Grenoble le 17 octobre

J’ajouterai à ce que dit @natacha en évoquant la conception même de ce qu’est la « technologie », ou, ce que, avec Simondon, je préfère employer : la technique. Car la notion de technologie est soumise au mythe de la linéarité du « progrès » technique, et c’est déjà un véritable enjeu de société.

Par exemple, et c’est une goutte d’eau dans la considération des problématiques autour de la « technologie », et aussi c’est pour cela que je choisis cet exemple : les entreprises estiment le coût d’un logiciel au nombre de lignes que compte son code source. Il n’est pas nécessaire d’être ingénieur pour saisir l’absurdité d’une telle comptabilité. Un « code plus verbeux », pour employer le jargon du métier, ne signifie pas nécessairement plus de fonctionnalité ou de meilleures performances, bien souvent le contraire : des répétitions, plus de complication, moins de lisibilité, plus de bugs… Or, il se trouve que l’une des particularités du logiciel libre qui le différencie du logiciel propriétaire est d’ordre technique : comme son code source est accessible, public pour ainsi dire, on peut l’améliorer, y compris en réduisant le nombre de lignes de code, c’est-à-dire en poussant sa technicité, en le concrétisant (pour poursuivre avec Simondon). Il y a donc une compréhension de ce qu’est la technique à résoudre dans la société, afin que le choix entre libre et privatif ne soit pas une question de marketing mais une question technique, une question de société.

Je suggérerai même que l’hypothèse de Sapir-Whorf qui dit que la structure sémantique d’une langue détermine la portée des concepts et la vision du monde des locuteurs peut également s’appliquer à notre entendement de la technique, et que c’est même pour cela que tout n’est pas perdu. Car l’hégémonie de l’imaginaire néolibéral (« Il n’y a pas d’alternative ») est justement remis en cause chaque jour par l’exemple des multiples alternatives qui fleurissent de partout, surtout aux endroits où on les attend le moins. Ici, au cœur du « développement », dans la création technique qui fonde et cimente la société technologique qui s’impose à nous.

Ainsi, en modifiant le regard porté sur la technique, on crée læ technicien·ne parmi les citoyen·ne·s et non pas parmi les employé·e·s des grandes firmes : ce que Simondon appelle de ses vœux, la figure de l’inventeur. Dès lors, « démocratiser le libre » c’est avant tout rencontrer ses usage(r)s, et les placer, comme le dit @natacha, dans une perspective sociale, solidaire, collective.