Récit 3 Aucun retour possible

@Milouchkna voici une version dégenrée de la scène de la Main :

Alex l’interrogea ensuite sur le rituel de la veille au soir, où Claire avait choisi quatre personnes pour danser ensemble : « C’est la “cérémonie de la Main”. Lorsque l’un·e de nous attend un enfant, iel choisit parmi les habitant·e·s de la communauté quatre personnes qui deviendront avec iel “la main parentale” de l’enfant. — Ton enfant n’a pas de père ? — Non. Enfin, si bien sûr, mais nous évitons d’utiliser les mots “père” et “mère” qui reproduiraient la forme hétéro-normée du couple et donc le modèle patriarcal que nous avons rejeté. Chez nous tous les enfants sont nos enfants à toustes, quelle que soit notre relation biologique. Chaque adulte de l’Anarchipel est responsable de tous les enfants, et les plus âgés des plus jeunes. La cérémonie de la Main, c’est pour choisir les parents de l’enfant, qui s’accompagneront dans leur apprentissage mutuel de la relation parent-enfant, dans l’idée de faire société, dans le respect de chacun·e et d’autrui, un vivre-ensemble trans-individuel qui transforme à la fois chacun·e et la société elle-même. Les parents, la Main parentale, ce sont les personnes proches qu’on apprécie particulièrement, avec qui on aime passer du temps, ou bien des personnes qu’on admire ou dont on aimerait qu’iels servent de modèle à l’enfant. L’auriculaire symbolise la sagesse, c’est plutôt la personne confidente, qui va savoir nous écouter. C’est là un choix important, c’est souvent un·e ami·e ou une personne âgée, elle-même parente. Mais cela peut également être toute autre personne en qui tu as une grande confiance. L’annulaire est souvent une personne que tu connais bien et qui va t’accompagner tout au long de ta vie dans l’intimité. Elle est celle dont tu vas accueillir les moments de force comme de faiblesse et qui va exercer ton écoute. Le majeur symbolise le désir charnel, c’est souvent personne bonne conseillère dans ces rapports, qui te connaît bien, peut-être un·e meilleur·e copaine ou un·e ancien·ne amant·e qui connaît tes goûts et tes pratiques sexuelles et qui saura t’éviter des mauvais pas : un·e bon·ne juge du caractère. L’index, c’est læ garant·e d’une bonne vie sociale, on choisit là souvent quelqu’un·e d’expérimenté·e, pas nécessairement âgé·e, mais en position de te renvoyer vers les bonnes personnes si le besoin s’en fait sentir. Chaque doigt est une reconnaissance par læ génit·eur·rice de ces qualités chez l’autre pour iel-même, une marque d’admiration et de confiance, et aussi une invitation à la personne choisie d’accompagner l’évolution de l’enfant, d’être proche de lui. — Et le pouce ? — C’est moi ! La personne enceinte, en général, complète la main, comme tous les doigts forme un demi-cercle autour du pouce. — N’est-ce pas enfermer la femme dans son rôle de mère que d’en faire le pouce ? — Qui a parlé de femme ? Il arrive parfois que læ génit·eur·rice renonce à être le pouce de la main parentale de son enfant. Dans ce cas, iel annonce à la communauté qu’iel ne prendra pas le rôle maternel. Lors de la cérémonie, iel invite une cinquième personne dans la main : on sait alors que læ parturient·e n’en fera pas partie. C’est arrivé à une femme qui s’est réfugiée ici enceinte à la suite d’un viol. Elle refusait d’avorter, mais rejetait également l’enfant né de ce crime. Tu sais, tout n’est pas rose ici : on essaie, on travaille beaucoup, on remet en question les choses en permanence. Ce rituel, comme les autres, est le fruit d’expérimentations collectives. C’est un peu cela le sens de l’Assemblée Permanente : la seule permanence, c’est la remise en question, l’approfondissement des relations ; on n’est pas collé·e·s en réunion tout le temps, mais nous travaillons toustes sur la déconstruction de toustes les dominations. Nous apprenons ensemble. — Et le « géniteur » ? — On n’en n’est jamais sûr, gloussa-t-elle. Souvent, iel fait partie de la main et est un parent comme les autres, parfois iel n’en fait pas partie. L’Anarchipel travaille beaucoup sur le consentement et la déconstruction du masculinisme. Le ‘père’, on l’a renvoyé chougner dans les jupes de grand-mère soleil. »