SPECULACTIVISME

J’aime beaucoup l’idée « d’anomalie » et « d’anomalie sorcière ». En revanche je trouve l’idée (marxiste) d’une masse critique partant de la fiction pour influencer la réalité contraire à notre approche. Je vois bien d’où tu viens avec ce mouvement d’universitaire qui usent de la fiction spéculative pour parler d’un autre monde (Haraway, Despret…) Cependant j’ai l’impression que ce sont des « escapists » qui, depuis leur position privilégiée au sein de l’université, envisagent un monde autre ; alors que notre démarche est bien de partir du réel, de l’ordinaire, et d’en faire quelque chose d’extraordinaire, propre à scinder le capitalisme comme l’eau scinde la pierre. En ce sens je trouve qu’il s’agit plus d’aborder le problème de l’autre côté, depuis le rituel, pour appeler les énergies existantes et de les sublimer—user des mots pour diffracter les actes. Je me sens plus proche des coupe-boulons de Lë Agary que du poulpe de Vincianne Despret, bien que j’ai trouvé la lecture d’Habite en Oiseau et d’Autobiographie d’un Poulpe palpitantes.

Depuis plusieurs mois j’essaie de faire le point sur ce qui cloche dans ces approches de la fiction spéculative pour moi et c’est bien cela. Depuis une perspective matérialiste acceptant une structure unique de l’univers, ce sont les processus, les opérations comme dit Simondon, qui font la différence. Mais pas seulement : ancrer les récits dans le réel, c’est aussi ne pas s’en échapper, ne pas laisser ce terrain à l’ennemi : l’occuper, ici et maintenant pour démontrer qu’il existe bien un monde post-capitaliste dans les interstices de la dévastation hégémonique.