Tiers-Lieux : Prise sur le quotidien d’un monde catastrophé

NDLR: article en cours d'écriture et aussi de relecture et critiques par au moins 3 autres personnes

Que faut-il de pour écrire « 20 ans de carrière(s) » ? Une dose de nostalgie ? Un soupçon d’égo ? Une envie de partager ? Et peut-être bien d’autres composés…

Cela pourrait aussi être une histoire de flamme. Également, mettre en récit des vécus c’est donner de la matière à voir, pour comprendre, pour situer des concepts et des idées ; pour faciliter la mise en œuvre d’outils et de méthodes.

En partant de l’évocation de vécus, je vais tenter de dérouler des passages quotidiens, et d’en déplier quelques intervalles, qui concernent et impactent, certes différemment, toute personne. Je passerais par la « catastrophe ». Puis, toujours appuyé sur des vécus et des expériences, je souhaite replacer cela dans une perspective plus générale au sein de laquelle un fil particulier composé des rencontres, des communautés de pratiques, d’engagement en responsabilité partagée, peut mener à regarder le tiers-lieu par ce qu’il fait lors de « catastrophes » et in fine, je l’espère, ouvrir, depuis des bases de recherche existantes, une fenêtre sur un travail avec un angle original que je nommerai « Tiers-Lieux en situation critique », non sans conscience de la précarité de l’hypothèse à ce stade.

Petites histoires de catastrophes

Fin des années 1990 et début 2000, mes flâneries rennaises me firent découvrir l’Élaboratoire[1]. Une prise de lieu sur les friches d’un projet « de reconversion » d’un site industriel, espace de vie en autogestion, il sera aisément et rapidement vu comme « Espace d’expérimentation et d’élaboration sociale, politique, artistique et culturelle » (Mélodie Polge, 2017)[2]. J’étais peu expérimenté et peu outillé pour comprendre et lire les menus signes et les scripts de jeux de pouvoir qui s’y déployaient[3], seul le vécu et quelques frêles grilles de lectures pour me saisir de cette histoire d’occupations d’intervalles, de suture l’espace social, de rythme politique.

Honnêtement, et par regard rétrospectif, cet espace et encore plus profondément les personnes, un croisement de mobiles animé par l’ensemble des mouvements qui s’y déploient (M. De Certeau), m’avaient marqué, m’avaient impressionné, m’avaient influencé, et me tiennent toujours en agitation.

Je quittais Rennes au printemps 2002 pour le monde professionnel. J’intégrais le Bataillon des Marins Pompiers de Marseille, pour 10 années dans les quartiers Nord de la ville phocéenne. Un BMPM créé après une catastrophe, l’incendie des Nouvelles Galeries en 1938, et qui en garde la mémoire.

Secours d’urgence aux victimes, suicides, accouchements, viols, fusillades, incendies urbains, feux de forêts, pollution fluviale maritime, explosion en sites SEVESO, sécurité des événements de grandes ampleurs, formations et instructorat, ingénierie de la construction, prévention et prévision… Une liste que je pourrais continuer pendant des heures.

De 1900 à aujourd’hui, 18 000 catastrophes de grande ampleur d’origine « naturelle » ont eu lieu dans le monde entier ; 6367 désastres « naturels » ont eu lieu dans le monde entre 1974 et 2003, tuant plus de 2 millions de personnes. En 2003, sur l’ensemble de la planète, une personne sur 25 a été affectée par un événement de ce type.

Si l’on se concentre sur les 20 dernières années (2001-2020), il a été enregistré 999 catastrophes dites naturelles en Europe, dont 951 étaient liées à la météo, c’est-à-dire qu’elles appartenaient aux sous-groupes de catastrophes météorologiques, hydrologiques ou climatologiques. Combinés, ces événements ont tué plus de 150 000 personnes, en ont affecté plus de 11 millions d’autres (EM-DAT).

Il n’y a pas que les « catastrophes » normées par une « grande ampleur ». Il y a tout autant de « petites catastrophes ».

L’un des tous premiers événements marquants, pour le jeune que j’étais, s’est déroulé pendant ma formation, durant un stage à la Caserne Saint-Pierre. Il s’agissait de mon premier jour, en pleine nuit toute la caserne fut réveillée et mise aux abois par l’alarme d’intervention générale : Explosion d’entrepôt. Il s’agissait d’un bâtiment à usages mixtes, habitation et fabrication. Rue André Isaia, novembre 2002, un appartement au 1er étage et l’entrepôt de chaussures ferronnerie au rez-de-chaussée totalement en flammes et des explosions dues à des bouteilles de gaz. 1 mort, des blessés, des gravats et décombres, 1 nuit terrible et une intervention jusqu’au milieu du jour. Une sacrée entrée en matière pour le bleu que j’étais. Le Sous-Officier d’Attaque du Fourgon d’Appui (FA) Saint-Pierre m’avait offert l’ordre de mission papier de l’intervention, avec quelques annotations plaisantes de l’équipage.

C’était là ma première catastrophe, en tant que professionnel au moins.

Je noterai quelques années plus tard que André Isaia, personnalité dont la rue du drame évoqué portait le nom, fut, dans une vie encore plus remplie, impliqué dans les Maisons du Peuple. Spurious correlation dans mon parcours, certes, que je trouve plaisante. Je rappelle cependant que corrélation ne donne pas obligatoirement de lien de cause à effet.

Porter un regard sur la catastrophe c’est aussi se confronter au biais de confirmation de l’hypothèse qu’il y a eu catastrophe, notamment par les relents affectifs qui viennent conforter notre ressenti d’un événement, avec un effet de récence. Nous avons probablement tendance à favoriser le souvenir des catastrophes récentes. Une autre combinaison de biais concernant la catastrophe peut mener à une illusion de fréquence, phénomène Baader-Meinhof, qui a pour conséquence de voir plus de catastrophes autour de nous « en ayant conscience » des éléments de la catastrophe.

J’avais commencé une carrière au temps des premières inquiétudes concernant le coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère (ou SARS-CoV) avec ses lots de préparation à la hâte, les cafouillages, les premiers moments de gel hydro-alcoolique, les équipements individuels de protection peu adaptés et réutilisés usés. Les versions nouvelles de plans de secours, les exercices mensuels, les exercices de simulation à grande échelle. Il planait aussi le risque élevé, et les craintes, d’attentats à l’arme nucléaire, radiologique, biologique ou chimique (NRBC). Je me souviens des tenues spéciales stockées dans les ambulances et les fourgons de lutte contre les incendies, les trous et déchirures étaient masquées au gros scotch. Et l’incendie des 20 000 hectares en 2003.

Carto des départs de feux Marseille 2002 2012, source Prométhée, en cours de réalisation

Il y eut aussi la canicule de 2003, catastrophe nationale, 15 000 décès « en excès » durant les deux premières décades d’août 2003 par rapport au « décomptage courant sur les années “normales” » ; et catastrophe européenne. J’y pensais comme miroir du « cas d’école » de la canicule de 1995 à Chicago, et pourtant rien en 2003 en F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒ n’était « prévu », ni organisé. J’y pense encore et toujours. Prévention, prévision, alerte… Gestion… Record de consommation d’énergie, rupture en eau, conséquences pour les populations liées à « leur place dans la société », les inégalités et les processus d’assignation / dominations, les rôles des lieux de sociabilités…

Mapping changes in temperature every year from 1850-2018 Ed Hawking, Climate scientist, NCAS/University of Reading | IPCC AR6 Lead Author. Data source: Tim Osborn: HadCRUT5 global temperature graphs

Je me rappelle aussi avoir dévorés quelques mémoires d’études de « Chef de garde », pour admission à leur grade, sur les risques et conséquences de ruptures des digues du réservoir du Vallon Dol avec tout ce jargon et mille et un acronymes. Et un peu plus tard sur la question du « déni du risque d’innondation[4] ».

Les services de secours et d’urgences s’entraînent, ils entraînent aussi parfois les populations dans leurs exercices, leurs simulations, leurs formations. C’est une forme de répétition, conçue selon une grille de lecture de futurs envisageables, où le réel est réduit avec des symboles, sur des rôles pré-acquis/pré-donnés avec des modes d’engagement variés selon la distance que les participant⋅e⋅s sont en capacité de prendre par leurs expériences passées.
Jouer et rejouer des scénarios hypothétiques avec des protocoles rigides d’intervention face à des potentiels événements provoquant des ruptures hors des moyens de gestion habituels et des formes de l’exceptionnel.

C’est aussi la présence des équipes d’action humanitaire, ou des services de secours, ou d’une aide internationale, qui sert comme un des critères de base pour certains groupes d’individus à qualifier un événement de « catastrophe ».

J’avais aussi passé beaucoup de temps dans le Centre de rétention administrative de Marseille, à partir de 2006, souvent pour « secours et assistance à victime » et parfois pour raison personnelle et familiale. Ces lieux d’enfermement et de privations de droits, y compris les plus inaliénables, sont la marque d’une société raciste et non respectueuses des droits humains. Depuis 2000 jusqu’à 2015, des données affinées suggèrent qu’environ 1,2 million de réfugié⋅e⋅s et de migrant⋅e⋅s « sans papiers » avaient fait le voyage vers l’Europe par voie maritime et terrestre, sans compter les voyages aériens[5]. En 2007, dans ce CRA, « 21 personnes théoriquement protégées ont été condamnées à une double peine », dont 8 enfant⋅e⋅s de 7 à 14 ans[6]

Ces personnes fuyaient, et d’autres fuient encore, des situations et des conditions d’existence qui ne permettaient, et ne permettent, pas leur vie[7];[8];[9];[10]

Jusqu’au printemps 2012, j’ai servi au cœur du BMPM dans les quartiers nord de Marseille. Les feux de forêts et les fusillades étant les principales catastrophes dont la presse nationale daignait se faire écho, plus que de la précarité et des logements insalubres et conditions de vie indignes[11].

À l’été 2006 je découvrais la Friche Belle de Mai, non plus sous l’angle pompier et bien dans le vécu d’un habitant ; Puis le festival Migrant’Scène en 2007 au sein de cette friche. Elle aussi est aisément et rapidement typée « friche culturelle » avec ses milliers de mètres carrés, son histoire, ses grands bâtiments, l’intérêt d’architectes de renom. Un « pôle » et un « nouveau territoire » dans lequel viennent se cristalliser des perceptions et des récits.

Les « grandes catastrophes » existent sous cette étiquette par le fait d’institutions qui produisent des normes permettant de le mesurer et de les ordonner, de les traiter[12].

« La catastrophe est une « question de perceptions, de représentations, de sensations » avec une « mosaïque de récits » (Sandrine Revet, Anthropologie de la catastrophe)

« Les grandes catastrophes humanitaires et médiatiques suscitent, et à raison, une attention internationale et des interventions d’ampleur. Cependant, par un « effet d’ombre » (shadow effect), elles peuvent occulter de ”petites catastrophes” » (Jean-Christophe Gaillard, Ben Wisner and Bernardo Nava, Petites catastrophes et réduction des risques, 2014)

Il y a les « grands lieux », étiquetés par le fait d’institutions, qui jouissent avec plus ou moins de luxe d’une politique publique, d’État, de Région ou de la ville, et des plans d’urbanisme, et il y a les « petits lieux » qui existent dans les marges et les zones d’ombres. Je pense à certains cafés ou snacks/kebab, des bibliothèques de quartiers, les cybercafés, les centres de santé communautaires, les zones autogérées (sous permanente et quotidienne menace d’expulsion ou relocalisation ou délocalisation, selon le langage), et bien d’autres.

En 2008 à Rennes, un incendie à l’Élaboratoire de Rennes fit 1 mort : Joe Sacco[13], 61 ans, des suites de ses blessures dans l’incendie du squat artistique La Villa, 3 rescapé⋅e⋅s en état de choc. Je l’apprendrais le 22 mars 2008 par courriel à Marseille. Ce drame, cette catastrophe, me poussa à revenir à Rennes, ville que je n’avais pas vue depuis des années.

Il s’agissait d’une ex-propriété de l’entreprise Fraikin, l’édifice était propriété de la Ville de Rennes depuis fin janvier 2008. Joe Sacco était venu à Rennes pour des raisons militantes, il était président de la HALEM, habitant⋅e⋅s de logements éphémères et mobiles (sur tout l’hexagone français). 50 habitant⋅e⋅s des lieux de l’Élaboratoire étaient alors à la rue. La ville de Rennes propose ensuite le 48 boulevard Villebois-Mareuil afin de reloger celles et ceux qui se retrouvent sans solution suite à cet incendie. De 2009 à 2016, huit juges d’instruction se succèderont sur ce dossier et enquête. En 2017, L’Élaboratoire fêtait ses 20 années de luttes, de résistance aux expulsions (souvent du fait de la Ville de Rennes). C’est toujours le cas en 2022.[14]

Je pus me rendre à Rennes en janvier 2009. Mon premier réflexe, à la sortie matinale de la gare de trains, fut de marcher depuis le bas des Lices jusqu’à la Rue de la Soif pour un petit déjeuner place Saint-Anne. Mathieu Laudren, étudiant en chimie de 24 ans, y était mort poignardé la veille, le jeudi 15 janvier 2009, à la sortie d’un bar. La rue était habillée en scène de crime et d’enquête. 250 personnes manifestèrent derrière une banderole « Mathieu est mort. Stop à la violence », avec un appel de l’équipe d’anesthésie du Centre Hospitalier Universitaire sud. Au début de son procès en 2012, la personne de 19 ans, ayant assené les coups, avait évoqué une enfance difficile, avec une exclusion à 11 ans du collège alors qu’il s’occupait de son frère cadet handicapé à 80%, sur fond d’alcoolisme et de violence paternelle.

Une dispute dans un WC, 19 coups de couteau, une vie ôtée, des vies brisées, une peine de 15 années de prison.
Dans une proximité temporelle, les « 7 premières caméras [de vidéosurveillance] ont été installées en 2010 » (par la Ville de Rennes)[15] pour filmer la place Sainte-Anne et la rue Saint-Michel (rue de la Soif), suite à une « charte de la vie nocturne signée à Rennes en septembre 2009 ». Une inclinaison à la Technopolice qui se poursuit en 2022.

Je ne procède pas ici à l’empilement de faits et récits dans une pièce d’anecdotiques. Je tire un fil pour exposer les replis d’empilements qui masquent parfois des réalités et des explications, des dimensions d’une diversité de faits sociaux partiels[16]. « Raconter sa catastrophe, c’est un peu se raconter dans la catastrophe » (Sandrine Revet, 2006, émission radio Recherche en Cours). L’« événement », toute anecdote puisse-t-il être perçu, s’inscrit dans une succession d’autres événements, peut-être moins visibles, s’inscrivant eux dans un passé et dans une histoire avec une longue série de composants et facteurs contextuels. Une catastrophe n’arrive pas de nulle part.

En 2009, alors que je me replongeais dans la biologie en parallèle du BMPM, je croisais la route de personnes liées à l’“Italian Hackers Embassy” et je me retrouvais dans la nord de Turin pour faire et pour vivre en hackerspace. J’y (re)découvris là les conditions qui me permettaient d’apprendre énormément et les engagements qui m’offraient des voies d’épanouissement.
Nous y avions aussi discuté, de manière opportuniste, des différences de techniques et de stratégies entre Unités organisées d’État et petits groupes informels face aux conditions indécentes, notamment pollution, salubrité & santé, dans lesquelles sont littéralement enfermées les personnes pauvres et les quartiers populaires. Il s’agissait bien de systèmes qui dépassent les limites de l’acceptable et poussent des personnes opprimées dans le quasi invivable. Des décisions, à toute échelle, technique et scientifique donc politique, conduisent à ces mises délibérées en situation. C’est toujours le cas en 2022[17];[18].

La catastrophe n’est pas neutre, elle est le produit d’un ordre social (Kenneth Hewitt, 1983)[19]. Elle s’incarne dans des individus et des groupes d’individus. Rendre visibles les détails (avant, durant, après) de celle-ci et comment elle « se suspend » différemment sur ces individus et ces groupes aident à prendre conscience qu’elle n’est pas « transverse », égalitairement du moins, et que des contextes historiques, sociaux, économiques, psychologiques, géographiques, environnementaux et administratifs[20], font que la catastrophe est un objet[21] et peut-être un objet politique[22]. L’expérience et sa médiatisation que nous faisons de la catastrophe se lient aussi avec les imaginaires et les sentiments de personnes concernées. « Nos “objets” nous travaillent, autant que nous les travaillons » (Marc Jahjah, 2022). Ce qui peut mener à des désaccords sur ce qu’est une catastrophe malgré une forme de globalité[23].

Je quittai ma « première carrière » en 2012, puis Marseille en 2013.

« À l’heure des crises mondiales de catastrophes environnementales imminentes, y compris le changement climatique mondial, et d’un système inefficace et peu réactif pour développer des solutions urgentes, j’ai porté mon attention sur des alternatives qui promettent et pourraient potentiellement résoudre ces problèmes de manière plus rapide, moins chère, et de manière plus distribuée. Cette thèse est ma petite contribution à la compréhension de certains des efforts déployés par de nombreux individus et groupes qui travaillent ensemble pour produire un modèle de science plus ouvert et collaboratif qui pourrait conduire à une nouvelle ère de la science. plus ouvert et collaboratif de la science qui pourrait conduire à une planète plus équitable et durable. J’espère que vous l’apprécierez et que vous en tirerez autant d’enseignements que moi. » (Gabriela A. Sanchez Barba, 2014, “We are Biohackers: Exploring the Collective Identity of the DIYbio Movement”(preface))

Notes et références


  1. « la friche artistique autogérée » de l’Élaboratoire sur le wiki de Rennes Métropole ↩︎

  2. Le processus de socialisation des nouveaux territoires de l’art : l’exemple des squats artistiques régularisés : L’Élaboratoire, Les Ateliers du vent, Le 59 Rivoli et Le Théâtre de verre, Mélodie Polge, 2017 https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01640496, L’Élaboratoire : vers une future ZAD (Zone Artistique Déterminée) dans le quartier Baud-Chardonnet ?, AlterIfo, 2020. https://alter1fo.com/artiste-elabo-zad-rennes-baud-129167 ↩︎

  3. Études critiques des cultures numériques : transcription de l’intervention de Marc Jahjah https://xavcc.frama.io/transcription-etude-critique-des-cultures-numériques-nantes-2020-marc-jahjah/ ↩︎

  4. Marseille, une ville méditerranéenne entre pénurie et inondation, Martine Chalvet and Cécilia Claeys, 2011, https://doi.org/10.4000/vertigo.12083 ↩︎

  5. source The Migrants Files (archive) par un consortium de journalistes d’investigation de 15 différents pays européens ↩︎

  6. La CIMADE, CENTRES ET LOCAUX DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE. RAPPORT 2007 https://www.info-droits-etrangers.org/wp-content/uploads/2018/01/Rapport_Cimade_retention.pdf ↩︎

  7. En 2014, plus de 200 000 réfugiés et migrants se sont déplacés de l’Afrique de l’Est et de l’Ouest vers l’Afrique du Nord, puis vers les côtes de l’Europe. L’ampleur du mouvement a atteint un pic en 2015, avec plus d’un million de réfugiés et de migrants arrivés en Europe. Au cours du premier trimestre de 2022, plus de 18.000 réfugiés et migrants ont traversé la Méditerranée pour rejoindre l’Europe. Au total, 2,3 millions ont effectué ce même voyage au cours des huit dernières années. https://storymaps.arcgis.com/stories/71d23940eade4ce887a44749a8cdaad0 ↩︎

  8. Depuis 2014, plus de 4 000 décès ont été enregistrés chaque année sur les routes migratoires dans le monde. Ce chiffre ne représente toutefois qu’une estimation minimale, car la majorité des décès de migrants dans le monde ne sont pas enregistrés. Depuis 1996, plus de 75 000 décès de migrant ont été enregistrés dans le monde. Ces données non seulement mettent en évidence la question des décès de migrants et les conséquences pour les familles restées au pays d’origine, mais permettent également d’évaluer les risques de la migration irrégulière et de concevoir des politiques et des programmes pour que les migrations soient plus sûres https://www.migrationdataportal.org/fr/themes/deces-et-disparitions-de-migrants ↩︎

  9. Pour les migrations en F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒, vous pouvez consulter les chiffres du ministère de l’Intérieur ou Eurostat https://ec.europa.eu/eurostat/fr/web/products-datasets/-/TPS00176, sachant que les définitions ne sont pas tout à fait les mêmes selon l’organisation émettrice, exemple fiches https://icmigrations.cnrs.fr/wp-content/uploads/2022/03/Mythe-submersion_def_public_new.pdf ou https://icmigrations.cnrs.fr/2021/01/27/decryptage-des-donnees-sur-limmigration-du-ministere-de-linterieur/ ou https://icmigrations.cnrs.fr/2021/01/22/le-solde-migratoire-francais-decrypte/ ↩︎

  10. pour les chiffres en CRA, Centre de Rétention Administrative : https://lacimade.org/wp-content/uploads/2022/03/RA_CRA_2021_web.pdf ↩︎

  11. RAPPORT A L’ATTENTION DE MADAME LA MINISTRE DU LOGEMENT, DE L’ÉGALITÉ DES TERRITOIRES ET DE LA RURALITÉ, 2015, Christian NICOL https://madeinmarseille.net/actualites-marseille/2018/11/Rapport-Nicol-Marseille-27-mai-2015.pdf ↩︎

  12. Sandrine Revet, 2006, émission radio Recherche en Cours, en référence l’EM-DAT de Louvain la Neuve qui donne comme critères de cadrage : Au moins 10 mort⋅e⋅s, et, au moins 100 personnes affectées, et production d’une déclaration de catastrophe (naturelle ou autre) au niveau administrative, et une production de demande d’aide internationale. Voir également “Centre for Research on the Epidemiology of Disasters (CRED)” https://www.cred.be/ & “United Nation Offgice for Disasters Risks Reduction” https://www.undrr.org/ ↩︎

  13. Lors d’un incendie d’origine criminelle dans l’Élaboratoire en 2008, Joe Sacco, fondateur de l’association pour la reconnaissance de l’habitat léger et mobile (Halem), décède à l’hopital. “Incendie de l’Elabo à Rennes. Dix ans, un mort et des questions” https://www.letelegramme.fr/ille-et-vilaine/rennes/incendie-de-l-elabo-a-rennes-dix-ans-un-mort-et-des-questions-21-03-2018-11895311.php ↩︎

  14. Rennes: Commémoration pour Joe Sacco https://old.squat.net/fr/news/rennes160408.html ; L’Élaboratoire : vers une future ZAD (Zone Artistique Déterminée) dans le quartier Baud-Chardonnet ? AlterInfo https://alter1fo.com/artiste-elabo-zad-rennes-baud-129167 ; Rennes: Commémoration pour Joe Sacco SQUAT FR https://fr.squat.net/2008/04/16/rennes-commemoration-pour-joe-sacco/ ; Rennes. Incendie de l’Elabo : “On n’en restera pas là” Le Télégramme, 2018, https://www.letelegramme.fr/ille-et-vilaine/rennes/rennes-incendie-de-l-elabo-on-n-en-restera-pas-la-04-04-2018-11914035.php ; Au revoir Joe Archive le la HALEM https://web.archive.org/web/20210506192055/https://www.halemfrance.org/mirorOldSite/2008/03/au-revoir-joe/index.html ; Rennes. Forcé de déménager, l’Elaboratoire devrait s’installer à l’îlot U, près de Beaulieu Ouest-F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒, 2022, https://www.ouest-france.fr/bretagne/rennes-35000/rennes-force-de-demenager-l-elaboratoire-devrait-s-installer-a-l-ilot-u-pres-de-beaulieu-8be8f7e2-c255-11ec-8207-1f0e356db714 ↩︎

  15. Échographie : Rennes 10 ans de glissement en techno-surveillance policière, Xavier Coadic, 2020, https://xavcc.frama.io/rennes-echographie-technopolice/ ↩︎

  16. Didier Fassin, en avril 2021, utilisa, lors de son cours d’introduction au Collège de F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒ sur « Naissance de la santé publique », l’épidémie singulière d’intoxication au plomb et le saturnisme infantile comme objet à relater pour rendre compte des dimensions d’une diversité faits sociaux partiels. Il appelait à « autre chose que des expertises […] en autre mode de connaissances […] moins pour dire ce qu’il faut faire que pour comprendre ce qui est en jeu avec la conviction qu’une telle compréhension à des implications autant politique qu’éthique ». ↩︎

  17. « l’enchaînement des décisions technoscientifiques qui ont fait de la Bretagne l’un des territoires les plus pollués de F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒. », Clémence Gadenne-Rosfelder et Léandre Mandard (Le Monde, 2022) ; Des armes hautement toxiques ont été immergées volontairement au large des côtes françaises, Enquête d’Actu, Mai 2022 https://actu.fr/societe/des-decharges-d-armes-chimiques-au-large-des-cotes-francaises-une-bombe-a-retardement_51218293.html ↩︎

  18. Crise de l’eau en 2022, Europe. Crise de l’eau en Italie: dans 170 villes, l’eau ne peut être utilisée que pour boire et cuisiner. Comme pour Châteauroux c’est un événement qui « brise » le fonctionnement « normal » d’une infrastructure dans un contexte social, économique, politique. 10 villes n’ont pas d’eau la nuit, Le fleuve Po est 72% plus bas que la normale, 50% de la production agricole du nord de l’Italie est menacée https://www.ansa.it/english/news/general_news/2022/06/17/climate-crisis-italys-drought-emergency-escalates_b6b94a5b-4668-4ba5-9a66-4b0b2a8123a6.html ; Crise des PFAS en Vénétie du Nord https://pfas.land/ ; Au Portugal, 97% du Portugal souffre de conditions de “sécheresse sévère”. Les effets du manque d’eau dans le barrage de Bravura, qui est maintenant à 14,6% de sa capacité, sont visibles en comparant les images satellitaires de Sentinel2, images de juin 2017 et 2022. https://www.ipma.pt/pt/media/noticias/news.detail.jsp?f=/pt/media/noticias/textos/Boletim_climatologico_maio.html et https://apnews.com/article/climate-science-business-government-and-politics-portugal-3b97b492db388e05932b5aaeb2da6ce5 ; F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒ : Les rejets de l’usine Man à Saint Nazaire, émissions de COV, de Chrome(vi), de Nickel, des SO2 et NOx et des déchets https://www.georisques.gouv.fr/webappReport/ws/installations/inspection/TUWtTaMzg0Yh5ETFs7MfwZbMwJ4He6i2 ↩︎

  19. Interpretation of Calamity From the Viewpoint of Human Ecology, Kenneth Hewitt, 1983, PART III, p. 229 p. 297 (Mickael Watts “Epistemology ant the human-environment problematic”, “Labour, Nature and Social reproduction” ; Paul Susma, Phil o’Keefe, Ben Wismer “Global Disasters, A Radical Interpretation” ; George E. B. Morren Jr, “A General Approach to the indentifiaction of hazards & responses” p. 295) ↩︎

  20. Où sont les gens « gens du voyage » ? Inventaire cirtique des aires d’acceuil, William Acker, 2021, Éditions du Commun. « L’absence de données condamne le sujet à l’invisbilité » p. 18 ; « La précarité économique et administrative réduit au silence » p. 19 ; « L’inventaire critique des aires d’accueil […] se conçoit comme un outil de lutte contre les mauvais traitements, et plus largement contre toute forme d’antitsiganisme […] il permet de mettre en lumière le sujet du racisme environnemental » p. 20 ↩︎

  21. (Monograhie et problématisation) The Martyred City: Death and rebirth in the Andes, University of New Mexico Press, Oliver-Smith, A., 1986 ; et La catastrophe, un objet historique ? Grégory Quenet, 2000, https://www.cairn.info/revue-hypotheses-2000-1-page-11.html ↩︎

  22. “The disaster opened up numerous positions in the socio-economic and political hierarchies of the society and brought about opportunities for social mobility. However, the vacancies in the formal structures were filled by people who differed from those who formerly occupied them. When social mobility takes place on such a large scale and so rapidly, it will haveserious implications for change in values and structure. Thedisaster has given access to power to a social group that was heretofore only marginal. Its rapid entrance into the central institutions of the local society carries important implications for possible change in the structurally defined routes of access to power and the benefits of the society“ The Yungay Avalanche Of 1970: Anthropological Perspectives On Disaster And Social Change, Anthony Oliver-Smith, 1979 https://doi.org/10.1111/j.1467-7717.1979.tb00205.x ; Quand la justice spatiale fait trembler la ville néolibérale. Le double mouvement tellurique et social dans le Chili d’après le tremblement de terre du 27 février 2010. Claudio Pulgar Pinaud, 2014, https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01512539/document ↩︎

  23. Les catastrophes : un horizon commun de la globalisation environnementale ?, Lydie Cabane, 2015, https://www.cairn.info/revue-natures-sciences-societes-2015-3-page-226.htm ↩︎

Des tiers-lieux et prise sur le quotidien d’un monde catastrophé

Depuis 2012 je suis dans une « carrière dans les tiers-lieux ». J’assume avoir embarqué avec moi des acquis, des savoirs, des connaissances issues de ma première carrière pour les transposer et les déployer dans la seconde carrière. J’ai monté un biohackerspace, aidé d’autres laboratoires de fabrications (FabLab) à se monter, contribué à d’autres biohackerspaces, hackerspaces, tiers-lieux, squats, des Camps. En F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒, du moins jusqu’en 2018, et hors de l’hexagone français. Juste quelques gouttes dans une entendue qui me dépasse.

Pour le tiers-lieu, il ne s’agit pas de quatre murs et un toit, le tiers-lieu s’envisage dans une configuration sociale, un processus dans lequel des individus se rencontrent librement autour d’une intention et s’engagent dans une responsabilité partagée et produisent « une repolitisation par le service » (Antoine Burret, thèse, 2017). Ce concept ayant été forgé au Moyen-Âge[1] par des démonistes et circulant toujours, certes un peu différemment, dans nos sociétés, je ne tenterai pas l’épilogue du tiers-lieux.

Ce cadrage par agencement est assez large pour contenir une grande diversité de tiers-lieux tant dans leurs orientations politiques que dans les pratiques que des communautés de personnes y déploient. Elle est aussi un travail de définition par précision distincte du troisième lieu de Ray Oldenburg, qui désigne « en particulier des institutions à usages commerciaux dont l’un des principaux […]comme une construction par défaut dans la relation duale qu’entretient le lieu des activités domestiques et le lieu des activités productives » (Burret, Op. cit.).

« Le tiers-lieu porte l’attention sur la rencontre, l’engagement d’entités individuées et la conception d’une représentation commune. De manière opératoire cette représentation peut s’envisager comme l’établissement d’un référentiel. Un référentiel qui est commun et non public » (Antoine Burret, Op. cit.).

Dans cette diversité de tiers-lieux, au-delà des évidences manifestes, il y a, par exemple, des antagonismes profonds ente les laboratoires d’auto-génycologie Gynepunk / Penchblenda et Sinny & Ooko qui « […] réussi le tour de force de neutraliser la portée subversive […] »[2], autrement dit « des friches, copies trop conformes »[3].

Les lieux de sociabilités et de repolitisation étaient et sont encore des espaces d’intérêt pour les États comme pour les acteurs du secteur marchand privé, souvent à visée de (prise de) contrôle et d’orientation[4];[5];[6].

« Les tiers-lieux sont des lieux d’émancipation où les gens peuvent se réaliser, s’émanciper mais surtout se réparer.» (20 septembre 2021, Marie-Laure Cuvelier, Conseillère régionale déléguée à l’ouverture de l’action régionale Nouvelle Aquitaine et Secrétaire générale de F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒ Tierslieux et Consultante ESS & tiers-lieux chez Smartfr, source)

« Émancipation » aussi vue par certains acteurs comme « Des pistes de travail autour de l’insertion sociale, de l’engagement citoyen en tiers-lieux et de la prévention de la délinquance »[7].

« J’ai entendu les propositions concrètes du Président M̵̙̮̌ó̸͔c̴̽̇ͅr̷̟̀̑ò̸͕̭n̷̝͕͑̒ en matière de lutte contre les féminicides. Déposer plainte dans les tiers-lieux ou autoriser des associations à porter plainte à la place des victimes qui n’osent pas le faire » (Christian Estrosi, 13 janvier 2021, lors d’une interview télévisée avec Jean-jacques Bourdin source)

La suspension de liberté publique et droit fondamentaux, parfois opportunément sur un « événement majeur », les menaces sur les libertés et ces droits, leur réduction, l’introduction de dispositif de surveillance et de répression, y compris des comportements, souvent par rapport à un « écart à une norme », la montée des partis politiques et des idées d’extrême droite, l’accession au pouvoir et mise en œuvre de régimes autoritaires, l’enrôlement dans des programmes de rééducation sociale et politique « universelle », sont des réalités et de forces à l’œuvre. D’un préfet français interdisant uniquement les rave party en se justifiant du risque de canicule[8] aux conceptions « violente du progrès sociale » et des sociabilités de Le Corbusier en Inde, au Pakistant, au Bengladesh[9], en passant par les centres de rencontres LGBTQIA+ fermé car menacés, ou encore au Brésil les meurtres, intimidation, discriminations, disparitions et harcèlement juridique sur les activists du climat, il y a une administration de la prescription alliée d’une forme police exécutive d’application de ce qui est autorisé, de ce qui acceptable comme représentation commune, et de ce qui réalisable.

En matière de liberté et droits humains et aussi de protection de l’environnement, L’European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR) et Frorensic Architecture, avec d’autres organisations, ont monté et ouvert un « Lieu transdisciplinaire » d’accueil, de rencontres, et de travail, en 2020 à Berlin : Investigative in Common. J’ai eu le plaisir de rencontrer plusieurs des personnes impliquées dans celui-ci lors de 2 années de collaboration et de travaux avec Tactical tech, notamment sur le projet Exposing The Invisible.

Mon propos n’est pas de dire ce que doit être, ni ce qu’il faut faire ou ce qui devrait être. Je m’attache à ce qui est et aux cadres de description afin de donner à voir ce qui est en jeu.

Le tiers-lieu, du moins en qualité de marqueur d’une politique territoriale d’État en F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒, apparaît comme un endroit pour investir et capitaliser, pour prescrire, et pour déployer des hypothèses programmatiques. Une orientation exprimée telle que « une défense et valorisation » de « 100 fabriques de proximité / des territoires » « promouvant leurs savoir-faire »[10].
Or, le tiers-lieu, en tant qu’activités pratiquées dans une configuration sociale particulière, est aussi un espace-temps d’organisation et de détermination dans lequel une recomposition est opérée par des personnes qui s’y rencontrent.

Les périodes de pandémies, les politiques oppressives, les conflits violents, les changements météo-climatiques, les accidents industriels, sont autant de situations critiques où les tiers-lieux révèlent leur rôle essentiel dans la vie des communautés.

« La catastrophe est un révélateur, c’est un moment de rupture qui exige à la fois une recomposition et une mobilisation de logiques, savoir-faire, solidarités, de réseaux qui préexistent à la catastrophe » (Sandrine Revet, La rupture de l’événement. Une anthropologie des catastrophes. Entretien avec Baptiste Moutand. 2011)

Lors de la survenue de telles crises ou de tels évènements suivis de désastres, les premières actions sont presque systématiquement mises en œuvre par les communautés de vie impactées. Les personnes se rassemblent dans l’intention de déployer des sauvetages, de la solidarité, de l’autoprotection, des secours, ou de la collecte de preuves. Et dès que cela est possible, c’est dans leurs tiers-lieux que ces communautés se réunissent et s’organisent pour assurer les conditions de leur propre subsistance et de leur action politique.

Les bars de quartiers ou les ateliers de fabrications pendant la pandémie de covid-19 dans de nombreux pays, le hackerspace à Tunis lors du Forum social mondial (FSM) en 2013 deux ans après la révolution du jasmin ; Mt pisgah Baptist church lors de la crise de l’eau de Flint (Ů̸̲̉S̶̝͌̓Ȃ̵̢̡̔) ; les communautés qui s’organisent dans les camps d’évacuations lors de l’incendie de Fort Mac Murray au Canada en 2016 ; ou le site industriel Lubrizol de chimie à haut risque à Rouen (F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒, 2019) et la Halle aux toiles après l’incendie ; les Net Cafés Refugees, au nombre de 4,000, à Tokyo (Japon) et les cafés de l’espoir en Grèce pour les éxilé⋅e⋅s en réponse au déplacement de la population ; les centres LGBTQ+ à Accra (Ghana)[11] qui font face des politiques oppressives ; la Casa di Cultura C en vénitie et les enquêtes et mobilisation sur les pollutions aux per- et polyfluoroalkylées ; la coopérative de Calafou et l’auto-organisation comme voie d’émancipation…

Ce sont autant de lieux qui faisant en tiers-lieux ont permis à leurs communautés de se mobiliser pour améliorer leurs conditions de vies collectives et leur capacité d’agir pendant des situations critiques. Cette approche « par les communautés », notamment avec des savoirs endogènes, n’est pas une nouveauté (Maskrey, A. (1989) Disaster Mitigation: A Community Based Approach). L’envisager par le tiers-lieux est alors une continuité.

Le Civic Laboratory for Environmental Action Research (CLEAR), au Canada, prend en haute considération leur responsabilité face aux agencements des savoirs et des personnes afin de former un groupe, une communauté de recherche scientifique, avec une emprise féministe et décoloniale dans le domaine de la mesure des pollutions plastiques océaniques et dans les réseaux des denrées alimentaires.

« […] Autrement dit, les entités envisagent de faire connaître les raisons de leurs engagements conjoints en combinant distinctement un ensemble d’éléments (objet, image, mot, ligne, lettre, signe, figure, plan, etc.). Par cette combinaison d’éléments, elles souhaitent provoquer une inclinaison de l’existant […] rien n’empêche d’envisager l’objet tiers-lieu dans des dimensions encore inconnues afin qu’il accomplisse sa fonction fondamentale qui est le dépassement de la discussion » (Antoine Burret, Op. cit.)

J’écris « situation critique » pour englober ce qui est de l’avant, du pendant, et de l’après de la catastrophe et même de la temporalité de la crise. Autrement dit, la mise en tension, d’intensité variable et de facteurs diverses, entre les pratiques communautaires, l’expérience déployée, et la prise en considération d’autorités instituées.

Une catastrophe est un évènement, parfois dit « naturel », parfois dit industriel ou social ou autre, qui par son intensité et/ou son « irruption » provoque une rupture dans les conditions de vie, dans les limites de ce qui est acceptable et parfois dans les limites de ce qui est désirable.
Irruption est entre guillemets, car ce jaillissement soudain est parfois lié à une politique de l’autruche ou à la « découverte ingénue » d’un vécu communautaire invisibilisé et nié depuis un temps suffisant pour le faire « disparaître ». Au Pakistan, « boire de l’eau dans l’inégalité sociale : la lutte contre la contamination au plomb à Lahore) », Les dents noircies et les problèmes de gencives étaient courants et les femmes signalaient fréquemment des fausses couches et des morts à la naissances.

L’accès aux ressources physiques nécessaires à la vie, en qualité et quantité, l’accès aux matières premières et moyens de transformation de celle-ci, aux matériaux permettant la conception d’outils de manière autonome (parfois pour le traitetement des ressources nutritives, parfois pour l’auto-diagnostic environnemental ou en santé humaine) sont également parmi les invariables composants, notamment lorsqu’ils sont absents des mains des communautés, d’une situation individuelle et collective et de mise en tension des conditions d’existences avec les aléas événementiels.

Nous avons vécu cela, et faisons encore aujourd’hui l’expérience de cette « situation critique », avec Fer et Paori (Mexico), Haashika (India), moi-même (F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒), et l’équipe pédagogique (Ů̸̲̉S̶̝͌̓Ȃ̵̢̡̔) lors de Frugal Science 2020, en pleine explosion de la pandémie de COVID−19 et des confinements, avec nos travaux d’enquête et de conception de tests de grossesse “100% homemade”. Vécu et expériences comparables avec le Biohackerspaces Kaouenn Noz à Rennes en collaboration le PublicLab (Ů̸̲̉S̶̝͌̓Ȃ̵̢̡̔) et l’ASBL petites singularités dans les squats à Bruxelles, concernant les enquêtes et (auto) tests sur les perturbateurs endocriniens dans l’eau du robinet, des écoulements de chantiers de construction, et des rivières. L’accès au matériel, aux savoirs et connaissance pour produire ou reproduire, pour mettre en œuvre, n’est seulement conditionné à des licences, même libres, à de la documentation et des chaînes d’approvisionnement[12]. Ces trois requis ne constituent pas en eux seuls un ensemble satisfaisant à l’accès matériel et à la matérialité. Ils ne suffisent pas à combler un éloignement ou une rupture d’accès.

Grandes catastrophes ou micro-catastrophes, il y a interruption du « cours normal » de la vie d’un groupe et/ou d’une communauté par un événement soudain. Il y a une « notion de seuil » (Sandrine Revet, 2006) franchi qui intervient dans une situation pré-existante. Ce « seuil » est également présent comme notion qui permet de marquer le regard que portent des personnes observatrices externes sur des communautés touchées par une catastrophe. Autrement dit, un seuil peut être franchi pour une communauté de vie sans que cela ne déclenche un regard « catastrophé » chez des observateurs, observatrices externes, qui ont une ontologie et une épistémologie différente des « catastrophées ». Notons alors qu’un « seuil » et un « franchissement de seuil » correspondent aux grilles de lecture du monde des personnes observatrices externes pour déclencher une catégorisation de catastrophe. C’est encore ici les signes d’un jeu de la matérialité de la production intellectuelle. C’est un des moyens de renforcement des rapports de pouvoir (et souvent d’extraction des savoirs) déjà existants, entre qui a ou non les conditions matérielles de production normatives. Aussi, et conjointement, le regard porté est conditionné par une hiérarchisation projetée différemment sur les populations ou groupes d’individus impactés par une « catastrophe » jusqu’au point de considérer des humain⋅e⋅s moins qu’un « chien ».[13]

Il semble que « la solidarité entre habitants est plus efficace que les solutions techniques »[14], pour Erik Klinenberg auteur de « Canicule. Chicago, été 1995 : autopsie sociale d’une catastrophe ». Une approche et des considérations que l’on trouvait déjà en 1983 chez Georges E. B. Morren Jr[15] lorsque l’anthropologie de la catastrophe vint s’allier avec les humanités écologiques, qui marque aussi l’amorce du détachement du caractère obligatoire de « l’exceptionnel » dans l’événement pour qualifier la catastrophe.

Une solidarité, couplée à une auto-organisation, que met en œuvre la Maison des Migrants en Belgique dans des « lieux refuges » par et pour les « Undocumented People ».

« Ce lieu c’est un refuge, un espace de convergence pour tous les sans-papiers/ exilé⋅e⋅s/ réfugié⋅e⋅s…. de Belgique, qu’importe la nationalité, le statut ou le genre. Ce lieu c’est une scène pour toutes les initiatives, culturelles, artistiques, politiques, médiatiques… portées par/et en faveur des sans-papiers/ exilé⋅e⋅s/ réfugié⋅e.s… Ce lieu c’est l’opportunité de faire exister politiquement la question migratoire en dehors de quelques actes de solidarité individuels et d’une flopée de décisions nauséabondes. Ce lieu c’est l’occasion d’une solidarité active, choisie, entre les sans-papiers installés depuis longtemps en Belgique et des exilés nouvellement venus. Ce lieu c’est une chance de retisser du lien entre tous⋅tes les exclu⋅e⋅s, qu’ils aient ou pas des papiers, puisque la justice sociale est migratoire et vice versa.

Fonte précoce des glaces des montagnes, canicules répétées avec températures extrêmes, déplacement de population, étiage précoce des fleuves et rivières, hydrométrie végétale en stress cumulés, développement de bactéries et algues dans les points d’eau, mise en difficultés des infrastructures des traitement des eaux potables et usées, rupture d’approvisionnement en eau potable et eau courante… Dans un coin du dialogue certain⋅e⋅s diraient « tensions sur les ressources et événement extrême composite avec des risques en cascade » et d’un autre bout d’autres s’exprimeraient « nous n’avons plus d’eau potable et l’eau du robinet nous rend malades »[16] ; d’autres diront « Plan d’urgence et déclaration de catastrophe » ou encore « qu’un épisode devient une catastrophe ».

“4,700,000 people. 4.7 MILLION people made homeless. In one week. In one region“. Assam: India floods destroy millions of homes and dreams (Dilip Kumar Sharma in Assam & Zoya Mateen in Delhi, BBC News 2022)

Il est important de rappeler et souligner que les catastrophes dites « naturelles » ont tenues depuis bien des siècles une place bien spécifique dans l’expérience que nous en faisons et dans les significations et interprétations que nous y trouvons[17];[18]. Une spécificité qui est commune, modulo quelques variations, aux catastrophes de grandes ampleurs et aux individuels petits « […] faits les plus naturels [qui] prenaient, grâce à l’interprétation intéressée des sorciers, des significations redoutables »[19].

Aujourd’hui, il y a aussi une bataille de normes pour étiqueter ou catégoriser ce qu’est une catastrophe[20], avec des appuis épistémiques, des épistémologies de point de vue et aussi de capture de la « complaisance »[21], et une circulation médiatique des discours des communautés de vérités. Dans une temporalité conjointe la « nature » n’est plus seulement paysage, notamment lorsque les glaciers s’effondrent sous yeux. Il y a une beauté du réchauffement, la certitude de la catastrophe, l’esthétique et la beauté de la catastrophe, peut-être même une adoration du monde qui change[22].

« […] qu’est-ce que les gens font avec cet événement ? Comment l’intègrent-ils dans leur quotidien, dans leur vie ? Comment lui donnent-ils sens ? Comment ensuite se remettent-ils de l’événement ? Y a t-il changement social ou pas ? » (Sandrine Revet paraphrasant Anthony Oliver-Smith, La rupture de l’événement. Une anthropologie des catastrophes. Entretien avec Baptiste Moutand. 2011)

Ongoing disaster situations and alerts as of 15th of July 2022. Source: https://reliefweb.int/disasters

Une catastrophe on peut la décrire, en extraire des récits. J’emprunte alors à Joao Gabriel, Doctorant au Johns Hopkins Department of History, des mots et raisonnement et je souhaite les adapter à mon propos.

La justesse factuelle, la comptabilité et les chiffres, ne sont pas la seule garantie à avoir, il y a aussi les angles morts, les omissions, le cheminement et la méthode dans le rétablissement des faits face à des actrices et acteurs qui n’ont pas le même poids et dont les rapports sont hiérarchisés.

Il y a une « complexité » et une « nuance », non pas dans son simple rapport aux faits, pour autant aux sens qu’ils prennent dans des contextes où les groupes sociaux sont hiérarchisés, antagonistes, non seulement dand l’histoire traitée et aussi dans l’écriture même de l’histoire et des rapports, des mesures, des descriptions, et interprétation des événements.

Et gardons nous aussi de relativisme exacerbé, de sophisme et dérivées, sur les faits et sur le vécu des personnes.

heatmap-rennes

Rennes : Carte de l’indice de risque dans des conditions de canicule (2001, Level IRIS)« Les recherches ont montré un réchauffement significatif des Températures mondiales au cours des 150 dernières années. Si les émissions de gaz à effet de serre se poursuivent sans relâche, les températures devraient augmenter de 1,1°C à 6,4°C par rapport aux niveaux de 1990 […] d’ici la fin du siècle. Nombreux types d’événements extrêmes, notamment de vagues de chaleur, dont l’intensité, la fréquence et la durée devraient augmenter dans les années à venir. […] D’autres points chauds correspondent aux tours d’habitation sociale et aux communautés les plus pauvres. De toute évidence, ces zones à très haut risque sont des candidats de choix pour les programmes d’alerte et de réduction de la chaleur » Mapping heatwave health risk at the community level for public health action Camille Buscail, Erika Upegui & Jean-François Viel, 2012

Il ne s’agit donc pas simplement de rétablir les faits dans l’univers de sens de l’époque, il s’agit aussi en comprenant l’univers de sens du maintenant. Autrement énoncé, dire ce qui est factuel (et ne pas transiger sur ça) en se demandant : à quoi sert ici et maintenant tels faits ? pour qui ?

Ce procédé correspond à une mise en distance et à tentative d’exposition des limites de la connaissance. Dans le prisme que je prends sur les questions de tiers-lieux et de leurs actions envisagée en rapport à la catastrophe, ce procédé est l’un des composants de ce que je nomme « situation critique ».

Également, il y a un accompagnement de la délivrance des faits avec de questions qui pointent certaines des omissions qui ne sont pas le fait des subalternes mais bien d’institutions dominantes, comme pour La crise de l’eau à Flint, (Ů̸̲̉S̶̝͌̓Ȃ̵̢̡̔, 2014), où pendant un an et demi, les habitant·e·s de la commune pauvre et à majorité black ont été empoisonné⋅e⋅s lentement en buvant l’eau du robinet.
Toutes les institutions d’autorité, toute échelle et tout niveau, ont ignoré les alertes des habitant·e·s considéré·e·s comme ignares, illégitimes.
Les personnes concernées se sont auto-organisées, constituant, en configuration sociale particulière, une auto-institution d’une entité légitime et outillée (langage, méthode, protocole, (Emerging Compounds Treatment Technologies)). Autrement dit, une autorité épistémique qui produit et critique des savoirs, de la connaissance. S’ensuit un programme de science participative en pair à pair.
Notamment distribution de kit pour réaliser des tests, produire une base d’informations et de données solide.
Cela déclenche une prise de conscience au niveau national. Et pas uniquement sur l’empoisonnement au plomb, aussi sur la déférence, le mépris social, et le racisme dans la chaîne de considérations des informations et de mise en œuvre de savoirs.

La population de Flint n’a pas « célébré » une victoire, et même refusé de faire l’objet d’un récit positif. « Il n’y avait rien de spécial dans le fait d’être empoisonné par l’eau au plomb : tout le monde pouvait comprendre ce que cela faisait. Il fallait seulement sortir de cette situation »[23].

À l’issue de cette campagne, des dédommagements, et pas de victoire fracassante, ni triomphaliste : une épistémologie constructive ne peut pas garantir une victoire complète. Mais elle renforce les chances au sein du jeu des Épistémologies tandis que l’épistémologie déférente ne joue presque pas dans le principe décisif final.

La configuration en tiers-lieux n’est pas systématiquement utilisée par des communautés pour prendre positions, par leurs actions, dans un quotidien catastrophé. Aussi tous tiers-lieux et leurS communautés ne s’engagent pas en responsabilité face aux catastrophes. De plus, le postulat écrit dans les lignes ici-présentes fait face à trois difficultés importantes :

(a) Antoine Burret donne une définition précise de la configuration en tiers-lieu, pour autant l’appellation de tiers-lieu / third place (en anglais) reste flottante.

(b) Après des décennies d’études de la catastrophe dans plusieurs disciplines, la « catastrophe » demeure un mot « valise » (Sandrine Revet).

(c) Les risques et menaces qui pèsent sur les individus et leur environnement, et la perception de ces facteurs d’influences, contraignent la « libre rencontre » dans la configuration en tiers-lieux.

Le choix ici ouvert d’envisager la configuration en tiers-lieux au travers d’une hypothèse de situation dite « critique », identifiée par les personnes impliquées dans les évènements composants cette situation, la façon avec laquelle ils sont gérés, et les effets matériels et les affects perçus[24], permet de nouveaux axes de travaux sur ce qu’accomplissent les tiers-lieux, sans se limiter à la catastrophe elle-même, et aussi du comment ils procèdent d’un quotidien catastrophé, et produisent ou non des réagencements « du monde de la catastrophe » et de la société. Cette hypothèse de travail par « situation critique », ne se limitant pas aux « tiers-lieux et catastrophe », peut être mise à l’épreuve dans d’autres terrains avec avec d’autres approches.

“We only dimly realise how dependent we are in every way in all our decisions. There’s some sort of link-up between it all, we feel, but we don’t know what. That’s why most people take the price of bread, the lack of work, the declaration of war as if they were phenomena of nature: earthquakes or floods. Phenomena like this seem at first only to affect certain sections of humanity, or to affect the individual only in certain sectors of his habits. h’s only much later that normal everyday lift turns out to have become abnormal in a way that affects us all. Something has been forgotten, something hot gone wrong… It’s because people know to hole about themselves that their knowledge of nature is so little use to them”.
BERTOLT BRECHT (1965) The Messingkauf dialogues

Remerciements

Pour leurs temps, les discussions, leurs apports, leurs connaissances, leurs aides.

  • Sylvia Fredriksson
  • William Acker
  • Antoine Burret
  • Charlotte de Desinfox Migrations

Notes et références


  1. “The more rigorous the ascetical vows, the more intense the purgatorial punishment, an imaginative depiction of the “third place” that utterly inverts the earthly hierarchy of discipleship and narrows the judgmental distance between ascetics and laypersons” Discours et histoires des spectres, visions et apparitions des esprits, anges, démons et ames, se monstrans visibles aux hommes . Divisez en huict livres… Le Loyer, Pierre (1550-1634). https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5545032t/f601.item ; “Established at that time as a“third place”in the afterlife alongwith heaven and hell, purgatory became“an intermediary other world inwhich some of the dead were subjected to a trial that could be shortenedby the prayers, by the spiritual aid of the living.” TIME, JUDGMENT, AND COMPETITIVE SPIRITUALITY:A READING OF THE DEVELOPMENT OF THE DOCTRINEOF PURGATORY JOHN E. THIEL, 2008 ; Michel Vovelle soutient que l’essor de la croyance au purgatoire se produit véritablement à la fin du XIVe et au XVe siècle, lorsque les images du « troisième lieu » (third-place) commencent à proliférer dans l’art. Plusieurs images qu’il cite comme preuves expriment cette inversion hiérarchique en décrivant la souffrance purgatoriale des clercs. « Le « brévaire parisien » de la fin du XIVe siècle est une lettre décorée qui représente un évêque partageant avec des laïcs la douleur du feu purgatorial. Le retable espagnol du XVIIIe siècle de San Pedro da Mezquita comprend les sculptures d’un évêque et d’un prêtre, chacun dans son propre bouquet de flammes purgatoriales. » Michel Vovelle, Les âmes du purgatoire, ou le travail du deuil (Paris : Gallimard, 1996) 47, 182. ; “During the Renaissance and Reformations, purgatory was most commonly seen as one of three places, along with heaven or hell, where a soul could go after death, and it was visualized as much like hell except that a person’s time there was finite” The debate about whether purgatory was a place or a state was confined to theological treatises, Kathryn A. Edwards, “Purgatory” 2013 (DOI: 10.1093/obo/9780195399301-0083) ↩︎

  2. L’envers des friches culturelles » Terrains vagues, bâtiments désaffectés, rails à l’abandon… Un peu partout en F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒, ces espaces qui faisaient auparavant l’objet d’occupations illégales sont convertis en lieux culturels par une poignée d’entrepreneurs ambitieux. Ces sites se présentent comme « engagés » et participant à la revalorisation de quartiers dépréciés. Mais cette « valorisation » semble avant tout financière. Une enquête parue dans le numéro 11 du Crieur, toujours en librairie. », Mickaël Correia, Mediapart, 2018. https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/231218/l-envers-des-friches-culturelles ↩︎

  3. Les friches, copies trop conformes, « Les espaces alternatifs passionnent habitants, élus et promoteurs, mais la pression foncière standardise le modèle et met en péril les «tiers-lieux» les plus expérimentaux. A l’heure des fermetures et expulsions, certains cherchent des pistes pour durer. », Ève Beauvalet, Libération, 2019. https://www.liberation.fr/culture/2019/12/12/les-friches-copies-trop-conformes_1768885/ ↩︎

  4. Le mouvement des réunions publiques à Paris. 1868-1870 - ORIGINE ET USAGE D’UNE LIBERTÉ TRÈS SURVEILLÉE, Alain Dalotel, Alain Faure et Jean-Claude Freiermuth, 1980 ↩︎

  5. Cafés, cercles et salons républicains, Jérôme Grévy, Dans La République des opportunistes (1870-1885) (1998), pages 171 à 187 ↩︎

  6. Starbucks was never about the coffee. It’s taking over public space—and controlling it, Olivia Goldhill, 2018, Quartz https://qz.com/1256162/starbucks-racism-scandal-why-starbucks-is-more-than-just-a-coffee-shop/ ; A video of black men being arrested at Starbucks. Three very different reactions. CNN, 2018, https://edition.cnn.com/2018/04/14/us/philadelphia-police-starbucks-arrests/index.html ↩︎

  7. En Septembre 2021, L’association F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒ Tiers-Lieu avec Emmanuelle Wargon et Patrick Levy-Waitz, lance un reportage sur « la réflexion sur l’invention des tiers-lieux pour habiter la F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒ Demain ». Juste après avoir lancé « le projet ‘Simplifier le télétravail en tiers-lieux’ » avec l’agence Nationale de Cohésion des Territoires (ANCT). Le 20 septembre 2021, F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒ Tiers-Lieu, Patrick Levy-Waitz, était au Ministère de l’Intérieur pour rencontre Marlène Schiappa afin de remettre un rapport au premier Ministre Jean Castex, et aussi lancer « Des pistes de travail autour de l’insertion sociale, de l’engagement citoyen en tiers-lieux et de la prévention de la délinquance » (SIC Rémy Seillier de F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒ Tiers-Lieu), dans le Ministère de Gérald Darmanin. ↩︎

  8. Le préfet prend un arrêté pour interdire les rave party ce week-end en Ille-et-Vilaine, F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒ Bleu, 2022 https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/le-prefet-prend-un-arrete-pour-interdire-les-rave-party-ce-week-end-en-ille-et-vilaine-1655477937 ↩︎

  9. “Le Corbusier designed the whole city according to his conception of formalism, in which neighborhoods were segregated and arranged by social purpose: the government buildings were the “head,” the commercial center the “heart,” and educational and leisure operations the “arms.”” ; “One architect after another died, and the city was overwhelmed by twice the number of refugees and migrants it had been planned for—not all of whom found Le Corbusier’s schematic particularly useful or democratic in practice.” Democracy in Concrete, Nawal Arjini, 2022 https://www.nybooks.com/daily/2022/06/26/democracy-in-concrete/ ↩︎

  10. « Manufactures de proximité : de nombreux projets labellisés », Ministère de l’économie, des finances, et la souveraineté industrielle et numérique, 2022, https://www.economie.gouv.fr/plan-de-relance/manufactures-proximite-nombreux-projets-labellises, archive ; Mise en avant par la Ministre Caroline Cayeux, ouvertement Homophobe et anti-égalité des droits, archive ↩︎

  11. Founder of LGBTQI center shut down in Ghana says he fears for his safety By Nimi Princewill, 2021, CNN. https://edition.cnn.com/2021/02/25/africa/lgbt-ghana-office-raids-intl/index.html ↩︎

  12. Discussion : Corps, soin, technologie - regards croisés sur des communautés de pratiques, Amélie Tehel, Léna Dormeau, Xavier Coadic. Radio Plouf au Centre Chorégraphique National de Rennes, 2021. https://soundcloud.com/fair-e-play/radio-plouf-corps-soin-technologie-regards-croises-sur-des-communautes-de-pratiques ↩︎

  13. « Des aires d’accueil ont été installées à des endroits où on a refusé la création de chenils », Rouen, après l’incendie de l’usine Lubrizol, William Acker, Libération, 2021 https://www.liberation.fr/societe/logement/des-aires-daccueil-ont-ete-installees-a-des-endroits-ou-on-a-refuse-la-creation-de-chenils-20210417_MFF7DYK7MRCH3C5M5EJVLYKYWU/ ↩︎

  14. Un climat brûlant dans une société glaciale, Tribune dans Libération, Juillet 2022 https://www.liberation.fr/idees-et-debats/un-climat-brulant-dans-une-societe-glaciale-20220716_M3YNKVMK6ZASNN7XFHT24RNINE/ ↩︎

  15. Kenneth Hewitt Op. cit. Morren, p 284 à 297, “INDENTIFICATION OF HAZARDS AND RESPONSES” ↩︎

  16. Retours de témoignages reçus lors d’ateliers et autres formats d’intervention : Rennes 2019, Berlin 2019, Bruxelles 2021, Liège 2021, Bruxelles ↩︎

  17. Le sens du désastre. Les multiples interprétations d’une catastrophe “naturelle” au Venezuela, Sandrine Revet, p. 42-55, 2010, Le sens du désastre ↩︎

  18. VILLAIN-GANDOSSI, Christiane. La perception des dangers de la mer au Moyen Âge à travers les textes littéraires et l’iconographie In : La violence et la mer dans l’espace atlantique : XIIe-XIXe siècle [en ligne]. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2004 (généré le 17 juillet 2022). Disponible sur Internet : http://books.openedition.org/pur/19576. ISBN : 9782753525351. DOI : https://doi.org/10.4000/books.pur.19576. ↩︎

  19. Magicien, sorcières et culte de la mort, Charles Géniaux, chapites 5 et 6 du livre *Bretagne Vivante, 1902, éditions Stéphane Batigneur, 2021. & Marcel Mauss « Pour les tribus australiennes, toute mort naturelle, qui se produit à l’intérieur de la tribu, est l’œuvre des incantations de la tribu voisine. C’est là-dessus que repose tout le système de Vendetta », Théorie générale de la Magie, 1902 - 1903, https://xavcc.frama.io/theorie-generale-magie-mauss-a-pied-partie-1/ ↩︎

  20. Sandrine Revet, 2006, op. cit. ↩︎

  21. Being-in-the-Room Privilege : Elite Capture and Epistemic Deference, Olúfẹ́mi Táíwò, https://www.thephilosopher1923.org/post/being-in-the-room-privilege-elite-capture-and-epistemic-deference ↩︎

  22. Arctic Blues : la beauté d’une catastrophe Ronan Chérel, https://www.mediaparks.fr/post/arctic-blues-la-beauté-d-une-catastrophe ; Coquillages, les sentinelles des océans, Gaël Hautemulle, 2019, Journal du CNRS https://lejournal.cnrs.fr/articles/coquillages-les-sentinelles-des-oceans ↩︎

  23. Olúfẹ́mi Táíwò, Op. cit. ↩︎

  24. Qualitative methods and analysis in organizational research: A practical guide. Symon, G., & Cassell, C. (Eds.) Sage Publications Ltd, 1998. ↩︎

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Merci @XavCC pour ce partage. Sa lecture est très intéressante et contient des références qui pourront servir à certains récits. J’essaie d’imaginer comment ces commentaires sur la catastrophe peuvent alimenter le « réalisme » de nos récits.

J’ai fait quelques corrections. Il reste une chose qui me semble à corriger mais elle est dans une citation (emphasis mine) :

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Merci Merci Merci
pour ce partage qui est illuminant, vraiment inspirant et important à formuler.
Comme toujours ton écriture est belle et pleine de respect.

Si j’avais un commentaire à faire serait de rajouter quelques lignes dans l’introduction qui présentent un peu les lignes de tension que tu veux développer, savoir un peu ou le texte va aide beaucoup le lecteur à se concentrer, et cela semble nécessaire car tu amène une reflexion vraiment nouvelle avec beaucoup de références que tout le monde ne saisit pas forcément.
A contrario commencer le texte en “je” perd un peu le lecteur car on s’attend à lire un genre de biographie ou de narration et en fait il s’agit d’une analyse complexe portant sur le rôle des espaces communautaires et dans ces situations de catastrophe qui sont amenées à se reprocduire. Un sujet que je n’ai vu abordé nulle part ailleurs.
Ton expérience peut-être valorisée dans la multiplicité d’exemples, incluant la maison des migrants que j’ai eu beaucoup de joie à voir cité dans ce texte.

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belle analyse, merci pour le partage. par contre, il y a pas mal de phrases à revoir car j’ai l’impression que tu y perds le fil de ta pensée et du coup ça devient confus et on se demande où tu tu veux en venir. trop de virgules parfois aussi (et des fautes mais j’ai pas trop l’énergie de les relever là… je prendrai peut être un peu le temps de faire ça plus tard, si tu veux)

merci beaucoup pour vos retours et contributions.

Je souhaite vous citer dans les remerciements, seulement si cela vous convient. Quelle serait alors un bonne manière faire ? Par vos pseudo d’ici ? Par d’autres pseudo ? Par citer en remerciement “petites singularités / Trans Hack eXperience 2022 ? Autres ?

J’ajoute une première fournée de notes de lecture sur une des œuvre qui a servie à préparer l’article partagé ci-dessus.

https://xavcc.frama.io/notes-lecture-george-E-B-morren/