Varicap à l'InterHack

Varicap à l’InterHack

Jamais soudæ, mais pas très neu·f·ve pour autant. Plaçæ deux trois fois sur des breadboards pour casser la croûte, résonner avec d’autres. Ça a plutôt bien marché, mais là, y’a l’envie d’être un peu fixæ, faire corps, pouvoir clarifier les ondes, les démêler pour que les résistances puissent continuer. J’ai aussi hâte d’être dessoudæ, recyclæ, homogénéisæ. J’ai envie de partir plus tard et que ça soit important.

En chemin vers l’Impasse de Flouch, quartier de la Tendresse ? Qu’est-ce que c’est que cette adresse ? La joliesse des noms de banlieue est souvent proportionnelle à la déchirure de leur peau : réseau dont les liens s’étiolent comme cette voie rapide que je longe et traverse plusieurs fois dans l’absence de trottoir pour atteindre le hackerspace .

Je ne me souvenais pas de cette langue de vide vert entre le bitume et le BIB !? L’espace d’un fossé, brouillé par ses bordures ; invisible à l’Ailleurs !

La porte noire, droit devant. D’autres sont rentræs ; il y a, quoi, un moi , deux moi , peut-être trois. Ma main vire et pousse, les gonds grincent et l’air vibre. Je trébuche sur une voix et tombe face aux éclats de miroir brisés cimentés au mur. « T’es nouveau ? … Elle… Euh : nouvelle ? C’est ta première fois ? » C’est un écho vide, je suis déjà passæ, et ça fait lointemps que nous serons là.

Une volée de marches et je suis dans la « fosse » ! Lumière vague et musique forte. La densité d’âmes brouille l’écoute de mes pensées propres. Tout en remplissant les yeux de regards, de sourire en sourire, je commence à les/le/la chercher…

Soudain, j’entends un dialogue ou plutôt ses débris. « T’as vu quelque part un varicap ? – Non, mais il doit pas… » leurs voix s’estompent avec leurs ombres. De quoi ils parlent ? J’en sais rien. Très étranges, je veux les intégrer mais, au préalable, je n’y comprends rien. Peut-être que j’aurai des éclaircissements plus tard, quand il y aura moins d’« entre-soi ». La qualité d’osmose abandonnée à elle-même, je fluais vers un destin brumeux dont mon inconscience était la clé secrète. Je me débrouillerais pour agencer les besoins en quelque chose d’audible. Comment réfléchir au milieu de tout ce bruit ? Est-ce que je suis læ bienvenux dans ce lieu ? « Varicap ? » Qu’est-ce que c’est que ce bidule ? Vas ! Ris ! Cap’ ? Variation captive… Mais, mais, est-ce qu’ils parlent de moi ? L’aiguilleur des ondes ? Læ tombaire des fréquences ? Çu qui redonne sa voix al chantaire ?

Perdux dans cette vapeur de pensée, je ne vois pas le mouvement de foule. Cette queue pour les toilettes est intermin… Aïe ! J’étais des Composanz, me voilà décomposæ.

𐬽

Aujourd’hui, au BIB, avec les copaines, on fait chauffer l’étain sur les fers à souder. L’atelier radio a ramené du monde : on s’affaire déjà sur les émetteurs FM, pendant que les autres finissent les branchements élec, debout sur les tables, ou leurs assiettes de risotto ; d’autres encore font la récolte des champignons horsmornes . Dans le labo les levures bullent. Ça bourdonne dans le réseau minéral de sources.

Un léger craquement se fait entendre et surgit dans les regards soudain inquiets. La pièce maîtresse pour ajuster la fréquence de l’émetteur git en miettes sur le béton du lab : notre unique varicap vient d’être recyclé. Stupeur.

Avec tous le soin qu’on voulait mettre, ç’aurait sûrement marché. Rien à faire, zéro Farraday. Varicap a fini là sous nos yeux, a fini essentiæl à l’émetteur mais sous forme de souvenir, de « désolæ » aussi.

Nous ferons sans. On essaiera de læ reconstruire, læ reconstituer : on risquerait nos corps pour boucher les trous et les erreurs. La pression de ce qui bouge est presque irrésistible, intolérable aussi, dans son in-con-tournabilité. Autour, ça continue à danser aussi, beaucoup n’ont pas captæ. Assiz on se questionne, comment leur dire ? Comment leur faire entendre ? Où crier notre colère sans tout bâcler ? Reboire des bières, et l’émetteur marche.

Bref, fallait faire sans. D’ailleurs, sans lui ou sans elle ? Iel n’a pas dit et on n’a pas demandé.

Bipbip bip bibip bip
bipbip. bip. bibibip. biiiip.
bipbip. bip. bibibip. biiiib.
bibbib. bib. bibibib. BIB.

Au matin le soleil était là. Sans nous connaître, nous nous connaissons.

Le sommeil semble avoir quitté tous les corps et la nuit s’enfuit de s’être trop prolongée. Une journée studieuse se profile sous les ombres. Studieuse et sereine en réponse à la douceur continue des lieux. Le temps lent, cette douceur dans le calme du matin, déroule les sourires sur des visages ensoleillés, à la Tendresse. Les oiseaux peuvent chuchoter.

𐬽

Texte co-écrit au BIB le 26 janvier 2023, suite à l’atelier de fiction spéculative THX.

Par @balou, @how, @mare, @phonia, @yann avec @caroline, @cécile, @félicien, @flo2mars, @issa, @martin, @røslav et toutes les personnes qui ont contribué par leur présence, leur imaginaire, leur grand cœur et un festival autogéré comme on aimerait en voir plus souvent.

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