Ceci est un brouillon, les passages entre crochets sont des options ou des parties à développer selon le mode « livre dont vous êtes le héros »… Il s’agit encore d’un brouillon
Deux mois. Ça fait deux mois aujourd’hui. Soixante et un jours, mille quatre cent quarante heures que je suis enfermée dans cette chambre. Dès le premier jour, c’était déjà trop.
Je deviens folle. Le monde disparaît autour de moi. La télé a failli m’avaler. Alors, j’ai fini par jeter le petit câble d’alimentation par la fenêtre. Si j’avais pu y jeter la télé, qu’elle s’explose tout en bas, [ç’en aurait fait un vrai spectacle, enfin ;] mais la fenêtre ne peut que s’entrebailler, qu’on ne puisse pas sauter. Même ma mort ne m’appartient plus, alors ma vie… mon Dieu. [Et ce bracelet électronique, en récompense de ma dernière tentative d’évasion, « bracelet d’autonomie » qu’ils appellent ça. Non mais ça va pas la tête ? J’espère qu’ils sont pas tous aussi cintrés dehors. Il va falloir que je trouve le moyen de m’en libérer. J’en peux plus de sentir tout le poids de ce système de contrôle en permanence sur mon corps. ] Bon, il y a bien les trois quatre visites quotidiennes pour les repas et l’hygiène mais ces amis-là agissent comme des machines en surchauffe. Il n’ont jamais le temps de discuter et ne comprennent plus, de toute façon, ce que je leur dis. [Je suis quoi pour eux ? une vieille carne en chambre froide?]
Pourquoi ne veulent-ils pas me permettre une promenade, juste une petite ? J’étouffe. Je n’ai plus de raison de vivre. [On est dans un élevage hors-sol ici ou quoi ?] Le COVID qu’il paraît. Le COVID, c’est pire que la guerre. Je me souviens qu’en 40, entre femmes et enfants, vieillards et invalides, la guerre au-moins n’empêchait pas la vie, bien au contraire. Certes, on bossait dur pour l’effort de guerre qu’ils disaient, pendant que nos pauvres hommes s’entretuaient au front. Mais l’ambiance était paradoxalement si douce dans les maisonnées. Les animaux, les jeux d’enfants, rien ne nous empêchait de prendre l’air et de nous baigner nus dans la rivière. On se racontait nos rêves sur les soleils couchants d’automne, à la lisière pourpre des forêts.
Mais je suis fatiguée de vivre de souvenirs jaunis par le temps. Ça n’est plus une vie… Marcel, il avait bien raison le Marcel, il avait inversé les lettres collées à l’entrée de l’EHPAD, ça donnait PHADE. Pendant les remontrances de la direction, on s’était bien marrés au-moins. Il avait eu son dernier quart d’heure de gloire. Marcel est mort hier. Marcel, quoi… J’ai même pas pu lui dire au revoir, alors qu’il dormait au bout du couloir, les salauds. Ni moi, ni personne d’ailleurs, paraît que les familles aussi sont privées d’obsèques. Je ne pensais pas pouvoir ressentir encore ça à mon âge, mais ça me met en fureur tout ça. C’est décidé, j’me tire, j’me casse. Dehors, ça pourra pas être pire. Je me sens bien mieux, tiens, rien que d’y penser. Faut que je réfléchisse bien à mon coup. [C’est ma lumière au fond du couloir, la sortie de secours.]
[Si seulement je pouvais simplement m’en aller respirer la liberté, mais il y a tout ce système de surveillance.]
[Vous faites un pas dehors, un premier geste transgressif, avancez un peu dans le couloir, vous sentez émue, puis entendez des bruits de pas et prenez peur. Vous retournez alors dans votre chambre sans être vue. Votre décision est prise : vous fuguerez. Comment ?]
a) Peut-être devrais-je commencer par obtenir le planning du personnel
Ma chambre est au troisième étage. La salle du personnel où se trouve le planning, est au premier. Je dois trouver le moyen de m’y introduire sans être vue pour prendre des photos avec mon smartphone.
b) Ou bien tenter un passage au culot : la vie n’attend pas, j’improviserai.
Première tentative, la sortie de secours, dévaler les escaliers, sortir du couloir comme si de rien n’était. Ce putain de gardien. Bien gentil mais bon, retour à la case départ.
Faut pas pousser mémé !
Salut ! c’est mamie Tromblon ! Bam !
Mille quatre cent boules par mois que j’leur rapporte à ces vicelards. Plus que ma retraite de … : je gagnais pas la moitié.
Le bracelet d’autonomie
Mais qu’est-ce qui m’empêche de partir ? Et une fois dehors, où aller ? Elle pensa à sa vieille amie XXX. Le téléphone sonna. C’était elle ! « Allo ma chérie ! Comment ça va ? » Son amie, veuve depuis quelques mois, découvrit choquée, sa situation d’enfermement abusif. Elle rebondit sur le fait qu’elle avait entendu parler des baba yagas, un collectif autogéré de retraitées et qu’elle envisageait justement de lui proposer de venir habiter avec elle sur ce principe, maintenant qu’elle se sentait bien seule dans sa grande maison. Elle s’était renseignée sur la situation des personnes souhaitant quitter les EHPADs. Elle pensait que cela serait tout-à-fait possible dans son cas. Régine fut emballée par cette perspective. Définitivement, il lui fallait lancer cette démarche. Elle en parla lors de la livraison du repas du soir, mais le personnel lui dit qu’il ne pensait pas que cela fut pour l’instant possible en raison de l’épidémie. Elle demanda alors d’en parler au directeur, mais celui-ci serait indisponible. Elle est en colère car il s’agit de son droit fondamental, elle décide alors d’aller à sa rencontre, bien qu’assignée à sa chambre.
Elle descend le couloir, remontée comme une horloge, jusqu’à l’accueil. Elle entend quelqu’un au téléphone… Elle ne peut accéder au bureau du directeur sans se faire repérer au risque d’être raccompagnée à sa chambre. Elle n’a plus le choix. Elle s’avance et, prenant les devants, elle annonce à la standardiste qu’elle a obtenu un rendez-vous avec le directeur tout en passant l’accueil d’un pas déterminée. La standardiste est prise au dépourvu par la présence d’une pensionnaire au rez-de-chaussée. Son stratagème échoue et elle se retrouve dans sa chambre.
Régine s’était fabriquées des haltères avec des bouteilles d’eau attachées par une serviette. Elle passait des heures à s’étirer en respirant en harmonie avec ses mouvements. Elle découvrait des muscles, des tendons insoupçonnés. Elle essayait toutes sortes de nouveaux mouvements, à l’écoute de son corps, elle repoussait souvent les limites de sa fatigue [par sa détermination.] Une fois passées méchantes courbatures du premier décrassage, ses progrès furent d’abord rapides, le temps de se remettre en forme. Puis, elle atteint le seuil de ses limites, qu’elles ne repoussaient plus que lentement. Son corps se forgeait dans sa détermination à la liberté.
Les semaines passant, le directeur tarde à se rendre disponible. À force de questionner le personnel, sa persévérance a porté ses fruits et le directeur vient la visiter. Enfin, il vient toquer et s’annoncer impérieusement à sa porte. Surprise, elle ne peut plus reculer. Elle ouvre la porte déterminée à en finir avec cet établissement. Elle engage la conversation. « Bonjour monsieur le directeur, je voudrais rompre mon contrat avec votre établissement… » La conversation tourne court, elle finit par lui mordre le bras, il se retire avec son dentier dans le bras. Elle est furieuse et bien décidée à présent à s’échapper.
(Elle n’était plus que dans la dernière ligne droite, Régine règnera de nouveau sur sa vie !)
Régine sentait comme une urgence aigüe qui l’appelait, un sentiment vaste et profond, un besoin élémentaire qui surgissait violemment en elle maintenant que la promesse était si proche une vitalité intense irradiait dans ses veines, le temps paraissait suspendu. La voie paraissait libre. Son regard vissé sur la sortie, elle s’élança.